LITURGIE du DIMANCHE

commentaire sur la Parole

 

Veillez!
29 novembre 2020 – 1er dimanche de l’Avent B

MATHIEU F. osb c.



Lectures bibliques


Première lecture: Is 63,16b-17-19b

Psaume: 79(80), 2-3.15-16.18-19
Dieu, que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés.

Deuxième lecture: 1 Co 1,3-9

Évangile: Mc 13,33-37


Introduction

…Veillez! C’est la parole de Jésus avec laquelle nous commençons le temps de l’Avent. C’est la dernière parole que Jésus laisse à ses disciples et à nous tous dans l’Évangile de Marc, dans l’imminence des récits de la passion (Mc 13,37), avant son entrée à Jérusalem. C’est cette parole que Jésus confie à ses disciples pour le temps qu’ils devront vivre durant les «jours durs» de sa passion (Mc 14,34.37.38) ainsi que pour le temps «de l’absence de l’époux», de sa Pâque jusqu’à son retour.

…Dans la première lecture (Is 63,16-17.19; 64,1-7), nous trouvons un triste appel adressé à Dieu afin qu’il «revienne». Le prophète s’en remet à Dieu en vertu de son comportement dans l’histoire: «C’est toi, Seigneur, notre père; notre Rédempteur depuis toujours». Si le passage de l’Évangile est une invitation à la vigilance, donc, exigée des croyants, la première lecture rappelle que c’est une œuvre de Dieu qui précède tout et qui est le fondement de la vigilance: sa foi. Notre vigilance serait vaine si Dieu n’était pas notre père depuis toujours.

…La deuxième lecture (1 Co 1,3-9) est une action de grâces de l’Apôtre pour l’œuvre de Dieu dans la vie de la communauté qui attend «la manifestation de notre Seigneur Jésus Christ». La vigilance «jusqu’à la fin», la «fermeté», comme Paul l’appelle, n’est pas simplement le fruit de l’engagement des croyants, c’est l’œuvre de Dieu pour laquelle il faut être reconnaissants.

…Les trois textes de la liturgie de la Parole de ce premier dimanche de l’Avent (année B) aident à comprendre une parole fondamentale pour la vie chrétienne que nous avons peut être oubliée, même si elle est souvent sur nos lèvres. Alors, parcourons de nouveau le texte de l’Évangile pour comprendre le message de la liturgie de ce dimanche.

Commentaire

…Dans le passage évangélique de Marc, le Seigneur qui reviendra est comparé à un homme parti en voyage, dont le retour reste inconnu à ses serviteurs qui, entre-temps, doivent garder sa maison. En partant, le maître a confié une responsabilité à ses serviteurs: à chacun d’eux, il a confié un travail. Chacun a une tâche dans la maison du maître et aucun ne peut se substituer à un autre dans le déploiement de la responsabilité que son seigneur lui a confiée.

Personne ne peut prévoir le retour du maître. Il s’agit d’un temps indéterminé que tous ignorent.
Chaque serviteur doit faire son travail indépendamment du retour du maître. En effet, il peut revenir «le soir ou à minuit ou au chant du coq ou le matin»! (Mc 13,35). Ce sont les références temporelles que le récit de Marc nous fournit. À une première lecture, ces références temporelles pourraient sembler simplement le renvoi à un temps indéterminé. Elles pourraient servir uniquement à souligner que personne ne sait quand le maître de maison reviendra. Toutefois, si nous les lisons attentivement dans le contexte du récit de Marc, ces «heures» de la nuit ne sont pas casuelles. En effet, nous les retrouvons, identiques, dans le récit de la passion.

…Le maître pourrait venir «le soir» lorsque Judas, un de ses disciples, pour l’argent, consigne Jésus aux mains de ses adversaires, de quiconque porte atteinte à sa vie (Mc 14,17). Le maître pourrait revenir «à minuit» au cœur des ténèbres et de l’obscurité quand Jésus sera jugé (Mc 14, 60-62) par le sanhédrin, devant le grand prêtre. Le maître de maison pourrait venir «au chant du coq» lorsque, même l’ami en qui il avait confiance (Ps 40,10), Pierre, le renie trois fois et ne le reconnaît pas devant les hommes (Mt 10,33)! Finalement, le maître de maison pourrait revenir «le matin», quand les grands prêtres, avec les anciens, les scribes et tout le sanhédrin le livrent aux mains de Pilate (Mc 15,1), le confiant à un tribunal païen.

…Comme on le voit, ces indications temporelles que Marc énumère sont les étapes de la passion de Jésus. Cependant, sa passion n’est pas uniquement historique, c’est-à-dire celle qu’il a vécue et que ses disciples ont traversée. Sa passion continue dans l’histoire de l’humanité. C’est ainsi que cette ultime parole de Jésus est devenue une parole capable d’interpréter chaque moment du présent de ses disciples de tous les temps qui, toujours «le soir ou à minuit ou au chant du coq ou le matin» (Mc 13,35) courent le risque de le trahir, de le juger, de le renier, de le condamner. Voilà la «vigilance». Ce n’est pas l’attitude désincarnée de qui attend une quelconque venue à la fin des temps du Seigneur, mais celle de qui sait discerner sa venue, sa présence dans la passion qui continue dans l’histoire de l’humanité.

…«Veillez» n’est donc pas une parole à conserver jalousement pour qu’elle soit utile dans un futur lointain; c’est une parole qui accompagne chaque pas de la vie des disciples à la suite de leur Maître lors du temps difficile de la passion et de l’absence de l’époux, qui est aussi le temps de la rencontre, de la persévérance et de la fidélité.

Conclusion

Ce cri de Jésus qui ouvre le temps de l’Avent n’est pas l’affirmation d’une simple absence, mais l’indice d’une présence cachée dans les soirs, dans les nuits, à l’aurore, au matin des jours de l’homme. Une présence qui peut devenir une rencontre, précisément Avent! Parce que maintenant, nous dit la liturgie de l’Avent, «il vient à notre rencontre, en chaque personne et en tout temps… pour que nous l’accueillions!». C’est l’annonce de cette première parole d’Avent qui est aussi l’ultime parole de Jésus à ses disciples. Parole qui crée des rencontres au temps de l’absence, parole qui annonce: «Dieu n’est pas là, “il vient”, attendu jusqu’au dernier jour, surprenant toujours les désirs qui l’annoncent» (Michel De Certau).

…Mais en tout cela, nous ne sommes pas les seuls protagonistes. L’attente n’est pas uniquement un effort humain. Isaïe nous dit qu’il faut invoquer la venue de Dieu: c’est un don à recevoir qui est établi sur la fidélité d’un Dieu qui est Père.

…D’autre part, l’apôtre Paul nous rappelle que seul le Seigneur peut nous faire «tenir fermement jusqu’au bout, et être sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ». L’engagement à la vigilance naît du don de la fidélité de Dieu qui est notre Père, qui n’abandonne pas quiconque a confiance en lui. Seulement si Dieu déchire les cieux. «Si tu déchirais les cieux, si tu descendais!», nous pourrions être vigilants, pouvoir le rencontrer «le soir ou à minuit ou au chant du coq ou le matin», dans la passion du monde, jusqu’à la rencontre du Seigneur qui vient!

MATHIEU F. osb c.