LITURGIE du DIMANCHE

commentaire sur la Parole

 

Rendez à Dieu ce qui est à Dieu
18 octobre 2020 – 29e dimanche du Temps ordinaire
MICHEL DAVID S. osb




Première lecture: Is 45,1.4-6

Psaume: 95(96) 1.3-5.7-10
Il est grand, le Seigneur, hautement loué.

Deuxième lecture: 1 Th 1,1-5b

Évangile: Mt 22,15-21

La liturgie de la Parole d’aujourd’hui se concentre sur un symbole: la «la monnaie» (Mt 22,19). C’est le Seigneur Jésus lui-même qui demande expressivement: «Montrez-moi la monnaie de l’impôt», comme s’il avait besoin de l’avoir dans les mains, pour aider ceux qui voulaient «le prendre au piège» (Mt 22,15), à se rendre à l’évidence et être de nouveau réduits «au silence». De fait, plusieurs discussions et conflits se résolvent avec «des pièces sonnantes», coupant à la racine de nombreuses spéculations, seulement prétentieuses parfois, dans le but de hausser le prix et d’augmenter le gain. Puis, la monnaie rappelle immédiatement une possibilité: qu’elle soit vraie ou «fausse» (Sg 2,16). Pour Clément d’Alexandrie, l’idée de monnaie vraie et fausse se rattache à la capacité de discerner les faits et les actes conformes à l’Esprit. Mais de quoi la valeur de la monnaie dépend-elle si ce n’est du matériel et de la correspondance, non seulement formelle mais réelle, avec ce qu’elle dit et avec l’effigie à laquelle elle se réfère? C’est pourquoi, Angelo Silesio, emploie, à différentes occasions, le symbole de la monnaie comme image de l’âme, parce que l’âme porte en elle le sceau de Dieu, tout comme la monnaie porte l’effigie du souverain. En effet, le Seigneur Jésus, au lieu de répondre à la demande de ses interlocuteurs, en pose une à son tour, et d’une teneur assez concrète, immédiate et visible: «Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles?» (Mt 22,19). Le Seigneur Jésus reconnaît que cette monnaie n’est pas fausse mais authentique! Et pourtant, sa valeur est relative par rapport à ce qu’elle dit, par conséquent, à qui elle renvoie: «César».

…La première grande préoccupation de ce dimanche naît d’ici: si c’est si facile de reconnaître l’effigie et l’inscription d’une monnaie, ce n’est pas facile et claire de reconnaître le rapport beaucoup plus profond et décisif, existant entre chaque homme et cette «image» (Gn 1,26) sur laquelle il a été créé et dont nous sommes appelés à être un renvoi, quasi une représentation authentique et sonnante.

…L’apôtre Paul exprime tout cela quand il dit: «Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, que vous avez été choisis par lui» (1 Th 1,4). Le don d’être «en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ » (1,1) exige un long chemin de conversion qui nous aide à retrouver la ressemblance au mystère même de Dieu, que Paul clarifie en détail: «votre foi active, votre charité qui se donne de la peine, votre espérance qui tient bon en notre Seigneur Jésus Christ» (1 Th 1,3). Si tout cela était lisible et reconnaissable sur notre visage et dans nos manières, alors, notre identité serait immédiatement mise en relation avec le Seigneur. Cependant, les Pères disent que, plus souvent, la monnaie de notre vie et de notre expérience est tellement encroûtée, que l’effigie et l’inscription sont parfois peu ou pas lisibles. Même dans ce cas, il ne faut pas céder à la peur ou à l’inconfort; il s’agit d’entreprendre un processus de nettoyage long, laborieux et parfois douloureux.

…La parole de conclusion de la deuxième lecture de ce dimanche est une monnaie sonnante: «En effet, notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude» (I, 5). C’est sur nos convictions profondes qu’aujourd’hui, la Parole de Dieu nous demande de nous interroger avec une certaine honnêteté. Malgré leur hypocrisie et leur fausse amitié, les disciples des pharisiens qui, au moins pour une fois, se joignent aux hérodiens, adressent au Seigneur Jésus un compliment qui, bien au-delà de la source, est authentique. «Maître, nous le savons: tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens» (Mt 22,16). Malgré toutes les diatribes et malgré le fait que les pharisiens «essaient de le mettre à l’épreuve» (22,15) pour pouvoir l’éliminer. De toute façon, surtout après son entrée acclamée dans la ville sainte de Jérusalem, tous ont une haute considération du Seigneur pour son honnêteté profonde et ses fortes convictions.

…La demande sur la question du «tribut à César» (22,17) est un piège qui naît de la «malice» (22,18), mais la réponse de Jésus et, encore avant, sa réaction immédiate est comme sa capacité à aller au-delà de la malice sans se laisser contaminer d’aucune façon: «Montrez-moi la monnaie de l’impôt» (22,19). Le Seigneur Jésus ne sort pas une monnaie de sa poche; il demande à ceux qui veulent l’encastrer de se rendre compte que leur demande a déjà sa réponse, et qu’elle ne vient pas de Jésus ni contre ni en faveur de César. Le seul fait d’avoir même une pièce d’un denier est une indice qu’on est enchâssé, et dans le cas des pharisiens et des sadducéens, on devrait dire mieux, très et bien enchâssé dans un système social-politique-économique. La sérieuse demande ne concerne ni l’argent ni l’impôt, mais la conviction personnelle profonde qui génère des choix et des attitudes concrètes: toujours «rendre à Dieu ce qui est à Dieu» (22,21).

…Et on ne rend pas à Dieu ce qui est juste si on ne lui rend pas tout, jusqu’à se faire continuellement éclairer et guider même dans la façon d’utiliser l’argent et de vivre les relations sociales et économiques le plus souvent imposées par le contexte. Naturellement, la demande devient encore plus forte: comment discerner non pas le «si» mais le «comment» payer l’impôt dans le concret d’une vie qui est nécessairement incarnée dans l’histoire? Le prophète Isaïe nous aide à donner une réponse, mieux, deux! La première, c’est qu’il ne faut pas trop cataloguer ni l’argent ni César. En effet, un grand roi païen comme Cyrus devient un instrument docile qui permet au peuple de retourner à la Terre des Pères et de reconstruire Jérusalem. Le critère de discernement c’

est que ce qui est vécu soit en mesure de «lui ouvrir les portes à deux battants car aucune porte ne restera fermée» (Is 45,1). Le Seigneur Dieu s’adresse à Cyrus, à travers le prophète en reconnaissant dans ses droits et dans ses projets des traits de son dessein divin «je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissait pas» (45,4).

…Au lieu de demander au Seigneur Jésus, comme des enfants qui cherchent l’autorisation pour avoir ce qu’ils ont depuis toujours dans leur poche, essayons de nous demander si notre façon de nous servir des choses de la terre est en mesure «d’ouvrir» et non pas de fermer à tous et à chacun «les battants des portes» de la vie. Cela dépend de notre «conviction», pas de «l’effigie», encore moins de «l’inscription».

PRIONS

Seigneur, notre dialogue avec Toi
est trop souvent un bougonnement,
une série de pensées fermées en nous-mêmes,
dans une autoréférentialité qui nous bloque.
Seigneur Jésus, ouvre grand notre cœur
et les battants des portes de notre vie,
à tout prix;
dilate notre capacité
d’entrer en relation avec Toi
et avec nos sœurs et frères.
Ainsi, notre bien sera mis au service
d’un dialogue authentique, convaincu,
dialogue enraciné dans l’amour
jusqu’aux nuées et au-delà.
Jusqu’à Toi!