LITURGIE du DIMANCHE

commentaire sur la Parole

 

Ils le reconnurent à la fraction du pain
26 avril 2020 – 3e dimanche de Pâques
R. DE ZAN




Première lecture: Ac 2,14a.22-33

Psaume: 15(16),1-2.5.7-11
Montre-nous, Seigneur, le chemin de la vie.

Deuxième lecture: 1 P 1,17-21

Évangile: Lc 24,13-35


Préparation


• Couleur liturgique: Blanc.
• Les lectures du jour: Lectionnaire dominical et festif Année A.
• Préface pascale 3: Le Christ, toujours vivant, intercède pour nous.
• Fleurs: Pour ce dimanche, nous suggérons des compositions qui expriment la joie, en utilisant des fleurs que le printemps offre, de préférence, blanches et jaunes.
• Musique et chants: Le troisième dimanche de Pâques a une forte coloration sur les modes de présence du Christ ressuscité parmi les siens: dans la Parole, dans le pain rompu et dans la communauté. Pour le choix des chants, on peut tenir compte de ce triple aspect.

Thématique liturgique

… Jésus ressuscité apparaît à ses disciples. Ce sont parfois des apparitions de confirmation. D’autres fois, ce sont des apparitions de mission. Au début du dernier chapitre, Luc narre une apparition de confirmation. Il s’agit de l’épisode d’Emmaüs. Si nous sommes attentifs à la forme du texte de Luc 24,13-35, nous nous apercevons que le récit parcourt un itinéraire bien précis. Au début, les disciples se trouvent dans une situation de «cécité» (24,16): «mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître». À la fin, au contraire, leur cécité disparaît (24,31: «Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent»). Le parcours fait par les disciples est assez articulé. Au début, il y a la recherche de signification (Lc 24,15: «ils s’entretenaient, s’interrogeaient et discutaient», et l’accueil de l’étranger (Lc 24,18: «Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci?»). Successivement, c’est le rapprochement de l’Écriture et son explication (Lc 24,26: «Et partant de Moise et de tous les prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait»; Lc 24,32: «Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures?»).

… Ce petit condensé dit tout. Les deux disciples d’Emmaüs sont sans espérance et totalement fermés à une perspective de résurrection: «Nous espérions… à vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur». De ce point de départ, trois éléments ont été décisifs. La première chose qu’on rencontre chez les deux d’Emmaüs, c’est le désir de la recherche de signification. Puis, il y a dans leur monde intérieur l’absence de toute fermeture au nouveau (étranger). Enfin, il y a l’attention aux Écritures expliquées par Jésus même. Ces trois éléments sont les forces qui meuvent le monde intérieur des disciples d’Emmaüs à reconnaître Jésus ressuscité.

Le Lectionnaire

Première lecture: Ac 2,14a.22-33
Psaume: 15(16),1-2.5.7-11
Montre-nous, Seigneur, le chemin de la vie.
Deuxième lecture: 1 P 1,17-21
Évangile: Lc 24,13-35

L’Évangile

… Les apparitions du Ressuscité peuvent être classés comme des apparitions de confirmation et des apparitions de mission. Dans les premières, il y a la confirmation de la foi des Douze et des disciples, tandis que dans les autres, il y a l’ordre d’entreprendre la mission de l’Évangile.

… Avec l’épisode d’Emmaüs (pas facile à identifier: peut-être à 12 km de Jérusalem?), Luc narre une apparition de confirmation. Le texte biblique original de l’Évangile («Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village») a été légèrement modifié par la liturgie pour expliciter le temps et les protagonistes («Le même jour, le premier jour de la semaine, deux disciples faisaient route»).

… Selon la tradition, les deux disciples seraient Cléophas, peut-être de la parenté de Jésus (Jn 19,25), et son fils Simon, devenu évêque de Jérusalem. Aujourd’hui, certains biblistes ont tendance à retenir que les disciples d’Emmaüs pouvaient être un couple (chez les juifs, le mari est appelé par son nom tandis que la femme ne l’est pas).

… Dans la première scène, Jésus veut répondre aux «discours» («Tandis qu’ils parlaient de ces événements»).

… La narration du texte tend à identifier Jésus de la part des deux disciples. Cette identification procède par étapes, commençant avec les prétentions non correctes d’identification de la part des deux disciples, jusqu’à arriver à l’identification selon les critères posés par Jésus lui-même. Les critères non corrects pour reconnaître Jésus comme Messie consistaient à prétendre que Jésus était le prophète et le chef victorieux qui devrait instaurer un nouvel ordre politique et terrestre, à travers cette victoire militaire qui libérerait les justes opprimés. Ce n’avait pas été le cas et désormais, le Maître était mort depuis trois jours (d’après la croyance populaire, l’esprit du défunt demeurait auprès du corps du défunt pendant trois jours, puis, il s’en séparait définitivement), la foi en Jésus Messie disparaît en un «nous espérions» mortifié et déçu (Lc 24,21).

… Pour les deux d’Emmaüs, il n’y avait plus rien après le Calvaire, si ce n’est l’espérance déçue. D’autres critères non corrects existent aussi pour reconnaître Jésus comme Ressuscité: on ne peut pas prétendre de reconnaître le Ressuscité avec les mêmes critères que nous reconnaissons une personne. Le fait d’Emmaüs le démontre: ils font route avec Jésus et ne le reconnaissent pas. Se trouver matériellement en contact avec le Ressuscité n’équivaut pas à le reconnaître comme tel. Pour le reconnaître, certains éléments sont nécessaires et ils n’appartiennent pas à la donnée de la «vérification» positiviste.

… Pour accueillir la vérité de la résurrection, il faut d’abord recourir au critère de foi. C’est pourquoi le Ressuscité ne peut pas apparaître aux scribes, aux pharisiens, au sanhédrin ou à Pilate. Il peut se manifester seulement à ceux qui, de quelque manière, avaient déjà fait un choix (même peu mature) en sa faveur. En effet, le premier et fondamental critère de foi correct consiste à relire le mystère de Jésus selon l’optique des Écritures. A la lumière de l’Écriture, la mort et la résurrection apparaissent comme la route à travers laquelle la volonté divine avait décidé de réaliser son projet salvifique. En ce sens, Jésus exprime la volonté divine en demandant: «Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire?» (Luc 24,26).

… L’autre critère pour reconnaître le Ressuscité, c’est le signe. Après avoir expliqué l’Écriture (Moïse et les prophètes = tout l’Ancien Testament), Jésus accomplit des gestes évocateurs (comparer Lc 24,30 aux gestes du miracle des pains Lc 9,16 ou aux gestes de l’institution de l’Eucharistie, Lc 22,19-20). L’intention de l’auteur sacré semble être d’affirmer que le Christ ressuscité peut être «expérimenté» au niveau de la foi par la Parole dans l’Eucharistie. Expérimenter au niveau de la foi n’équivaut pas à posséder la donnée comme dans le milieu d’autres expériences humaines: en effet, Jésus disparut à leurs regards. Cela signifie également comprendre et accueillir en profondeur le fait révélé. Le troisième critère pour reconnaître le Ressuscité, ce sont les frères. Avoir perdu la véritable identité de Jésus a provoqué chez Cléophas et son compagnon l’abandon des frères. Avoir retrouvé l’identité du Christ ressuscité provoque la marche à reculons, la rencontre des frères qui deviennent à leur tour, confirmation de la foi dans le Ressuscité: «Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon».

La première lecture

… Le texte des Actes 2,14-41 rapporte le discours de Pierre à la Pentecôte. La liturgie accomplit deux opérations. Dans la première, elle supprime quelques versets (15-21): référence à la prophétie de Joël (3,1-5) réalisée à la Pentecôte; v.34-36: le Psaume 110,1 et la seigneurie-messianité de Jésus; invitation à la conversion), qui sont étroitement liés à la théologie et à la culture juive. Dans la deuxième, elle situe au début un incipit («Le jour de la Pentecôte») qui contextualise le discours. Le passage biblico-liturgique, Actes 2,14.22-23, présente l’aventure humaine de Jésus résumée en quelques mots (v. 22), le mystère et résurrection (v. 23-24) et la démonstration scripturaire (Ps 16,8-11), appuyée sur la preuve du sépulcre de David (v. 25-31). Comme conclusion du récit, nous avons le témoignage apostolique de ce qui est arrivé, l’élaboration théologique de l’Église naissante sur Jésus assis à la droite du Père ainsi que la constatation du don de l’Esprit à peine advenu (v. 32-33).

La deuxième lecture

… La deuxième lecture reprend la lecture semi-continue de la première lettre de Pierre 1 P 1,17-21 où Jésus est appelé «agneau sans défaut et sans tache». La référence est multiple (agneau pascal, agneau du Yom Kippour, le Serviteur de Yahvé appelé «agneau», le thème très riche: Jésus est celui qui donne la vie et pardonne les péchés à travers son mystère pascal de mort et résurrection. La foi est fondée sur cette œuvre divine, elle permet au croyant de se comporter avec «crainte» et avec une attitude de sortie vers les choses de ce monde afin que le chrétien vive dans l’histoire «comme un étranger».

R. DE ZAN