LITURGIE du DIMANCHE

commentaire sur la Parole

 

Le serviteur obéissant
5 avril 2020 – Dimanche des Rameaux et de la PASSION
R. DE ZAN



 Première lecture: Isaïe : 50,4-7

 Psaume: 21(22), 8-9.17-20.23-24
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?

 Deuxième lecture: Ph 2,6-11

 Évangile: Mt 26,14-27,66




CÉLÉBRER AVEC ART

Préparation

• Couleur liturgique: Rouge.
• Lectures du jour: Lectionnaire dominical et festif Année A.
• Préface: Propre du dimanche des Rameaux.
La passion rédemptrice du Seigneur.
• Fleurs: Le dimanche des Rameaux, il convient de décorer l’église avec des rameaux ou des branches d’olivier et des fleurs rouges.
• Musique et chants: Ce dimanche est marqué d’une part, par la joie, pour l’entrée messianique du Christ rappelée par l’entrée solennelle avec les rameaux d’olivier; et de l’autre, par les notes dramatiques et solennelles de la passion. L’acclamation Hosanna retentit avec insistance.

Thème liturgique

Le parcours baptismal de ce Carême a eu cinq moments très forts: les tentations auxquelles chaque personne est sujet; l’invitation du Père («Écoutez-le!») afin que le chrétien fasse du Christ, sa propre foi et sa propre morale; la samaritaine avec laquelle le croyant a connu le processus de connaissance du Maître (juif, seigneur, prophète, messie, sauveur du monde); l’aveugle guéri à travers qui, le chrétien se rend compte de la fatigue d’être chrétien (pas accueilli par les amis, les parents, et renvoyé de la synagogue); la résurrection de Lazare en qui le croyant voit son avenir parce que la vie éternelle lui a été donnée par Jésus au baptême.

Le dimanche de la Passion et le dimanche de la Résurrection, la communauté revit la mémoire de son choix baptismal à travers la célébration de la mort et de la résurrection du Maître: «Par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous avons été unis à lui par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne» (Rm 6,4-5). Nous pouvons voir ces paroles de l’apôtre Paul dans le baptême par immersion (le baptisé descend dans l’eau de la fontaine baptismale et il en remonte): le geste reprend sacramentellement la mort (descendre) et la résurrection (remonter) de Jésus.

Cette année, la Liturgie proclame la passion selon Mathieu (Mt 26,14-23,56). Il importe de lire le texte en suivant quelques suggestions de l’Évangéliste même. Dans l’épisode de l’onction à Béthanie, Mathieu met le lecteur au courant de ce qui arrivera après. Jésus devrait mourir et cette onction était une onction funèbre (Mt 26,12). Après la mort et la résurrection de Jésus, l’Évangile sera annoncé et la prédication rappellera l’épisode de l’onction (Mt 26,13).

Donc, Mathieu invite le lecteur à lire le récit, en situant la passion à l’intérieur de l’arc narratif plus étendu, à ce qui adviendra après: résurrection et prédication de l’Évangile. Par conséquent, on ne peut pas lire le récit de la passion si ce n’est avec un cœur plein d’espérance.

Il y a aussi une deuxième et sobre invitation de Mathieu. L’affaire louche du marchandage entre les prêtres et Judas pour la trahison de Jésus (Mt 26,15-16; 27, 4-10) anticipe la même négociation louche des prêtres avec les gardes pour la diffusion de la calomnie concernant l’enlèvement impossible du cadavre de la part des disciples (Mt 28,12-15). Tout cela illustre ce que Jésus avait dit par le passé: «Nul ne peut servir deux maîtres: ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent» (Mt 6,24). Alors, le lecteur et invité à lire le récit de la passion en se rappelant aussi ce que Jésus a dit avant. Le récit de la passion doit donc être lu avec le cœur, riche de mémoire.

La communauté naissante, très attentive à ce qui s’est passé avant et après, accomplira son élaboration théologique maximale dans l’Évangile de Jean. En prêtant de l’attention à la résurrection, à l’ascension et à la glorification du Christ, l’Église a vu que le projet du Père consistait à élever (exalter) son Fils à travers la passion et la mort.

Le Lectionnaire

 Première lecture: Isaïe : 50,4-7
 Psaume: 21(22), 8-9.17-20.23-24
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?
 Deuxième lecture: Ph 2,6-11
 Évangile: Mt 26,14-27,66

L’Évangile

L’interprétation de la passion et de la mort de Jésus, faite par la communauté naissante, n’était pas de type politique ou hérétique. C’est vrai que pour la théologie rabbinique de l’époque, la mort de Jésus est la fin d’un aventurier mégalomane aux prétentions absurdes: il voulait remplacer les enseignements de Moïse par les siennes et se présenter lui-même comme Dieu (aspect hérétique). C’est vrai que Jésus s’est proclamé roi, inquiétant le procurateur romain (aspect politique). La communauté narre la passion et la mort en les relisant à travers le critère de la foi et cela n’enlève rien à la valeur historique des faits.

Le récit biblique de la passion selon Mathieu comprend deux chapitres: Mt 26,1-23,56. En plus d’insérer l’incipit classique «En ce temps-là», la Liturgie a supprimé Mt 26,1-13 où, en deux épisodes courts, l’Évangéliste disait clairement au lecteur que, historiquement, la mort de Jésus était due à un complot des autorités juives (Mt 26,1-5) mais que sa mort aurait une suite. En effet, dans l’onction de Béthanie (Mt 26,6-13), Jésus annonce que l’Évangile, la bonne nouvelle du Ressuscité, sera annoncée dans le «monde entier». Le choix de la liturgie est dû à une intention précise: concentrer l’attention du croyant sur l’épisode de la trahison de Judas racontée de manière à en paraître l’accomplissement de Za 11,12-13: Je leur dis alors: «Si cela vous semble bon, donnez-moi mon salaire, sinon n’en faites rien». Le Seigneur me dit: «Jetez-le au fondeur, ce joli prix auquel ils m’ont apprécié!». Alors, je ramassai les trente pièces d’argent et je les jetai au fondeur dans la maison du Seigneur». Comme nous le verrons un peu plus loin, il veut que le croyant voie dans la passion, l’accomplissement de ce qui a été dit du serviteur souffrant dans l’Ancien Testament.

Le récit de Mathieu est rédigé sur le modèle du récit de la passion de Marc. Mathieu ajoute des épisodes qui viennent de sa source particulière et qui ne sont pas présentes en Marc: la mort de Judas (Mt 27,3-10), l’épisode de la femme du gouverneur romain (Mt 27,19), le geste symbolique de Pilate qui se lave les mains (Mt 27,24) et les épisodes apocalyptiques, à la mort de Jésus (Mt 27,51-53). De plus, le récit souligne comment Jésus accomplit parfaitement la figure du juste souffrant et persécuté injustement (la femme de Pilate: «Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui» (Mt 27,19) et à la figure du Serviteur de Yahvé.

Le récit de la passion selon Mathieu est particulièrement sensible aux prophéties sur le Serviteur de Yahvé. En effet, Jésus est vendu pour trente pièces d’argent, c’était le prix d’un serviteur. Au cours du dernier repas, Jésus remplace l’ancienne alliance et devient lui-même la nouvelle alliance (le Serviteur de Yahvé est alliance pour le peuple: Is 42,6. Au jardin des oliviers, Jésus accueille la volonté de Dieu (qui est salut pour les hommes) dans la solitude et dans l’abandon de la part des disciples, dans la trahison de la part de l’ami (comme le Serviteur de Yahvé).

Le récit de la passion renferme une grande espérance. Dans les paroles de Jésus: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?», il y a une charge énorme d’émotion et de message. Comme tout bon rabbin, pour citer un passage entier, Jésus citait seulement l’incipit. L’expression de Jésus est le début du Psaume 22 qui, après avoir illustré la situation de mort du psalmiste, s’ouvre à la joie de l’intervention qui libère le psalmiste de la mort. Cette expression, qui manifeste aussi la douleur, recueille l’ultime prophétie de Jésus sur la résurrection.

La première lecture

La première lecture, Is 50,4-7, est le texte du troisième chant du Serviteur de Yahvé (même si divers biblistes retiennent que le troisième chant est à identifier à Is 50,1-11). Il s’agit d’un texte très proche des confessions de Jérémie, imprégné de douleur et de souffrance. Mais c’est aussi un texte de profonde confiance: «Le Seigneur Dieu m’assiste». Dans le troisième chant, la figure du Serviteur est une figure qui donne de l’espérance avec les paroles mêmes de Dieu et dans l’obéissance totale à Lui. C’est aussi une figure mystérieuse qui doit affronter la souffrance physique et morale. Mais le Serviteur vit cette réalité «sachant bien qu’il ne sera pas confondu». C’est la mission mystérieuse que Dieu lui a confiée pour racheter l’humanité. La liturgie a sagement choisi cette lecture pour la rapprocher de la narration de la passion et de la mort de Jésus selon Mathieu parce que l’évangéliste est profondément sensible au rapprochement de la figure du Serviteur de celle de la personne de Jésus. Ce que le Serviteur préfigurait, Jésus l’a vécu pleinement.

La deuxième lecture

De nombreux biblistes discutent, à savoir si Ph 2,5 («Ayez en vous les mêmes sentiments que le Christ Jésus») peut faire partie ou non de l’hymne christologique. La liturgie choisit prudemment le texte non discuté de Ph 2,6-11. S’agit-il d’un texte plus ancien que la lettre qui le reçoit (il pourrait être du 40 apr. J.-C. et rédigé à Antioche?). En deux strophes, il présente le mystère de Jésus. Dans la première, Ph 2,6-8, l’incarnation est présenté (condition de Dieu // condition du serviteur) interprétée comme partage de la divinité avec les hommes («ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu»), à travers l’humiliation (abaissement) et l’obéissance à Dieu (en antithèse avec Adam). Dans la deuxième strophe, Ph 2,9-11, il y a la super exaltation (Jésus ressuscité, exalté, assis à la droite du Père) avec le don du nom Kyrios donné par Dieu au Ressuscité.

R. DE ZAN