LITURGIE du DIMANCHE
commentaire sur la Parole

 

Souviens-toi de moi
quand tu viendras dans ton Royaume


24 novembre 2019 – Christ, Roi de l’Univers
(solennité)



Première lecture: 2 S 5,1-3

Psaume : 121,1-2.4-5
Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur.

Deuxième lecture: Col 1,12-20

Évangile: Lc 23,35-43

L’origine historique de cette solennité avait des motivations que la communauté chrétienne ne sent plus comme primaires aujourd’hui. Cependant, cela n’empêche pas de cueillir la valeur profonde de la royauté du Christ qui est une valeur universelle et pérenne. C’est facile de comprendre que Jésus est roi parce qu’il s’est lui-même proclamé roi devant Pilate: «C’est toi-même qui dit que je suis roi» (Jn 18,37). Au moment le plus obscur de sa défaite humaine, Jésus proclame sa royauté. Au crucifiement, il est proclamé roi: «Au-dessus de sa tête, ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation: “Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs”» (Mt 27-37). La royauté de Jésus est fondée sur son œuvre rédemptrice, pas sur un critère humainement plein de consentement et de gloire. Nous savons que, dans le milieu néotestamentaire, le royaume privilégie la signification de «seigneurie». Le Christ est roi parce qu’il exerce une seigneurie sur la création, venue à l’existence par Lui. Il est roi parce qu’il exerce cette même seigneurie dans l’histoire qu’il guide vers le point Omega ou l’accomplissement final. Enfin, il est roi à l’égard des hommes (pas sur les hommes) qu’il a sauvés. En effet, Jésus est roi parce qu’il est «la tête du corps, la tête de l’Église: c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts» (Col 1,20).

…Après avoir entendu les paroles engageantes de Jésus sur la vie au-delà de la mort, dans la réponse donnée aux Sadducéens concernant la veuve, épouse de sept frères, et sur la persévérance à garder avant la fin des temps (Ne vous laissez pas tromper! Ne vous effrayez pas!), l’assemblée qui célèbre, s’approprie spontanément les paroles du bon larron: «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume» (Lc 23-35-43). Cela peut nous plaire et même nous déplaire, mais le seul saint «canonisé» par Jésus en personne est un malfaiteur qui a eu le mérite de reconnaître la vérité présente dans les faits: «Tu ne crains donc pas Dieu! Tu es pour tant un condamné, toi aussi! Et puis, pour nous, c’est juste: après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal». Nous nous trouvons devant la logique de Dieu qui n’est pas la nôtre. Sottement et présomptueusement, nous retenons malheureusement que notre logique est égale à celle de Dieu, en oubliant que, plusieurs siècles avant le Christ, Dieu lui-même, par le Deutéro-Isaïe, avait dit: «Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins – Oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées» (Is 55,8-9).

…La liturgie aurait certainement pu choisir la théologie de la «Parole» pour unir la personne de Jésus au concept de chef de l’univers. Le prologue de Jean affirme que le monde a été créé par le Verbe: «C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui» (Jn 1,3). En effet, dans le livre de la Genèse, il est dit que Dieu a créé l’univers par la Parole (cf. Gn 1,3 : «Dieu dit…»). La lettre aux Colossiens reprend le concept: «Jésus est le Premier-né, avant toute créatur: en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles» (Col 1,15-16). La liturgie, au contraire, choisit de dire que Jésus est roi parce que crucifié et rédempteur qui pardonne. C’est ainsi que le concept de royauté apparaît immédiatement dans toute sa tragédie et sa grandeur. Il ne s’agit pas d’une royauté qui s’impose à l’homme, mais d’une royauté qui opère le salut, bien suprême de l’homme.

L’Évangile

...L’Évangile d’aujourd’hui est un court texte extrait du récit de la passion selon Luc 22,1-23,56. En enlevant le passage de son contexte original, la liturgie a été contrainte d’ajouter un incipit d’une certaine importance: «En ce temps-là, [on venait de crucifier Jésus]…». De plus, la liturgie a voulu associer deux textes consécutifs mais distincts: les dérisions des chefs du peuple et des soldats, à l’insulte d’un malfaiteur (Lc 23,35-39); le bon malfaiteur ou le «bon larron» (Lc 23,40-43). Le court texte est marqué par l’insulte articulée autour du verbe «sauver» («Il en a sauvé d’autres! Qu’il se sauve lui-même»; «sauve-toi toi-même, et nous aussi!» Lc 23,35.37.39). Puis, les insultes sont liées à deux titres christologiques. Jésus est appelé «roi» («Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même!»; «Celui-ci est le roi des Juifs» (Lc 23,37.38) il est identifié comme étant le «Christ» («qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu»; «N’es-tu pas le Christ?» Lc 23,35.39). Ces indices aident à scander le texte en trois moments. Il y a d’abord un monologue à plusieurs voix – les chefs, les soldats, un des malfaiteurs– contre Jésus (Lc 23, 35-39). Ensuite, une intervention de défense d’un deuxième malfaiteur, le «bon larron» (Lc 23,40-41). Le dialogue très bref entre le deuxième malfaiteur et Jésus clôt le texte (Lc 23,42-43). La dérision est manifeste et le silence de Jésus est aussi évident. L’intervention du malfaiteur, qui réprimande l’autre malfaiteur et qui s’adresse ensuite à Jésus avec une prière de demande, est le seul à obtenir une réponse du Maître.

…Deux grandes antithèses font partie du texte de Luc 23,35-43. Dans la première, nous trouvons d’une part, le peuple qui est en train de voir (le verbe grec theorèo indique le regard qui scrute et contemple pour comprendre) et, de l’autre, des chefs et des soldats qui tranchent des jugements et des provocations sans chercher d’abord à «voir pour comprendre». Jésus est Roi parce que crucifié et raillé par l’humanité qu’il est en train de sauver. L’homme se fait des schémas sur Dieu. Si Dieu ne répond pas à ces schémas, l’homme sait ou ne sait pas voir Dieu, et s’il le voit, il ne le considère pas Dieu. Ce n’est certainement pas Dieu qui doit s’adapter aux schémas des hommes.

…Profondément frappé par cette donnée, Paul écrit aux Romains: «Ne vous conformez pas (n’assumez pas) les schémas du monde; ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser…» (Rm 12,2). Dans la deuxième antithèse, nous trouvons les deux malfaiteurs. Le premier s’associe aux chefs et aux soldats pour mépriser Jésus. Le deuxième, au contraire, essaie de scruter et de comprendre. Le dialogue salvifique avec Jésus naît de sa compréhension.

…L’action salvifique de Jésus est prophétique, messianique et royale. L’action de Jésus est prophétique parce qu’elle annonce le Royaume (Paradis) comme royal. Elle est messianique parce qu’elle se situe dans l’aujourd’hui et se projette dans l’éternel. Elle est royale parce qu’elle associe le bon malfaiteur à son «jardin suspendu» (=en persan, paradis), lieu typique que seuls les Rois pouvaient se permettre.

…Les titres christologiques de Lc 23,35-43 forment une pensée fondée sur la vision synthétique de la personne de Jésus: Jésus est Roi parce qu’il est le Christ (Messie) et il est Messie (Christ) parce qu’il est de descendance royale-davidique. Donc, Jésus est Roi parce que de descendance humaine, mais il est Roi également parce que c’est à lui que le Père a donné le Royaume (cf. Dn 7), qu’Il remettra au Père à la fin de l’histoire (cf. 1 Co 15) moment suprême où Dieu sera «tout en tous».

La première lecture

…David est oint roi par Samuel (2 S 5,1-3). À partir de ce moment-là, chacun de ses descendants est d’une lignée royale. Selon la prophétie de Nathan, le Messie est descendant de David. L’Évangile s’empresse de dire que Joseph est de la lignée de David (cf. Mt 1,1-17) et cette information se trouve aussi chez Paul: «L’Évangile de Dieu… concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur…» (Rm 1,1-4). Donc, Jésus est descendant de David, Messie et roi. Souvenons-nous que, dans le deuxième livre de Samuel, le prophète dira à David: «Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté» (2 S 7,12).

La deuxième lecture

…L’hymne christologique, qui se trouve au commencement de la lettre aux Colossiens (Col 1,12-20) est un texte de l’Église naissante. Paul le reprend, peut-être de la liturgie d’Antioche, pour affirmer que le Père «nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé; en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés». En effet, pour les croyants, point de présomption de se sauver par ses propres mérites, mais après avoir fait tout ce qu’ils pouvaient faire, les croyants se confient à la grâce divine par laquelle vient le salut.

…Cela illustre la signification de l’expression «Christ, roi de l’Univers». Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. Il est la Tête de l’Église, le premier-né de ceux qui ressuscitent d’entre les morts. La plénitude de la divinité est présente en lui (cf. Col 2,9: en lui «habite corporellement toute la plénitude de la divinité»). Il est celui qui a réconcilié le ciel et la terre.

R. DE ZAN

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