LITURGIE du DIMANCHE

commentaire sur la Parole

 

Il les aima jusqu’à la fin
9 avril 2020 – Jeudi saint – Repas du Seigneur
R. DE ZAN




 Première lecture: Ex 12,1-8.11-14

 Psaume: 115(116), 12-13.15-18
Ta coupe, Seigneur, est don du salut.


 Deuxième lecture: 1 Co 11,23-26

 Évangile: Jn 13,1-15


Préparation

• Couleur Liturgique: Blanc.
• Les lectures du jour: Lectionnaire dominical et festif Année A.
• Préface: De l’Eucharistie
L’Eucharistie, mémorial du sacrifice du Christ
• Fleurs: Orner avec soin l’autel de la déposition.
• Musique et chants: À la messe du dernier repas du Seigneur, on chante le Gloria. Chants indiqués: Ubi caritas pour la présentation des offrandes; Pange lingua pour la déposition du St-Sacrement. Il convient toujours de tenir compte des textes proposés dans le Missel. En ce qui concerne le Triduum pascal, cette attention est nécessaire. Nous rappelons qu’après le chant du Gloria, l’orgue et les autres instruments musicaux peuvent être utilisés seulement pour soutenir le chant.

Thématique liturgique


La célébration du Jeudi saint in Cena Domini est le mémorial et la réalisation du dernier repas de Jésus où l’Eucharistie et le sacerdoce s’entrecroisent en un lien inséparable, où la Parole et le signe s’interpénètrent en une unité et réciprocité de significations et d’identité qui n’a pas d’égal. Pour la foi chrétienne, la Pâque juive (première lecture: Ex 12,1-8.11-14) est à la fois mémorial et prophétie. Elle est mémorial parce qu’elle rappelle l’événement salvifique où Dieu préserve la vie des fils obéissants d’Israël. Elle est prophétie parce que l’agneau pascal préfigure la personne de Jésus qui, en mourant et en ressuscitant, a donné la vie au monde. La Pâque juive est aussi une structure commémorative qui sera accueillie dans le Nouveau Testament. Dans la Pâque juive, il y a une action divine (Dieu passe au milieu des maisons) et un geste rituel (le sang de l’agneau sur les portes des maisons, et l’agneau consommé suivant un rite précis). Dans la célébration successive, le geste rituel reste, mais l’action divine est remplacée par la Parole de Dieu qui raconte l’événement. C’est la même chose dans le Nouveau Testament. Il y a une action divine (mort et résurrection de Jésus) et un geste rituel (dernier repas avec l’institution de l’Eucharistie). Le geste rituel reste, mais liturgiquement, le mystère pascal est remplacé par la Parole (qui le contient et l’actualise avec le geste rituel).

La Pâques chrétienne accomplit la prophétie inhérente à la Pâque juive. L’institution du moment commémoratif de la Pâques chrétienne (mort et résurrection de Jésus) advient au dernier repas. De ce repas, l’Église a voulu, sous des formes diverses, transmettre cinq récits: le récit de Paul (deuxième lecture: 1 Co 11,23-26) qui est le plus ancien, les trois récits synoptiques et celui de Jean. Dans les cinq récits, on trouve essentiellement deux données: les paroles de Jésus sur le pain et sur le vin ainsi que les paroles explicatives. Tandis que chez Paul et dans les Synoptiques, la prévalence est donnée aux paroles de Jésus sur le pain et sur le vin, les paroles explicatives sont à peine évoquées; chez Jean, nous trouvons seulement les paroles explicatives accompagnées du geste du lavement des pieds (cf. Évangile: Jn 13,1-15). Un examen attentif de l’ensemble des textes permet de remarquer que Jésus institue non seulement l’Eucharistie, mais le sacerdoce aussi (cf. «faites ceci en mémoire de moi»).

Le Lectionnaire

 Première lecture: Ex 12,1-8.11-14
 Psaume: 115(116), 12-13.15-18
Ta coupe, Seigneur, est don du salut.
 Deuxième lecture: 1 Co 11,23-26
 Évangile: Jn 13,1-15

L’Évangile

Le passage biblique qui raconte le début du repas pascal de Jésus, selon Jean, comprend la péricope de Jn 13,1-20. La liturgie a voulu supprimer les v. 16-20, en fermant le texte évangélique avant sa conclusion littéraire normale. Ce choix (Jn 13,1-15) met en évidence le lavement des pieds.

Le contexte de célébration actuel qui encadre la célébration de la Pâque juive (Ex 12,1-8.11-14) tout comme la célébration eucharistique primitive (I Co 11,23-26) oblige le chrétien à lire dans le passage johannique une interprétation d’autorité et primitive de l’Eucharistie. L’Eucharistie est la célébration du don que Jésus a fait de sa vie à l’humanité. En même temps, elle est l’école la plus haute où le chrétien apprend, en célébrant, le don de soi au prochain.

Le texte de Jn 13,1-15 est facilement divisible en trois unités: introduction (v. 1-3), lavement des pieds des disciples (v. 4-11), explication du geste (v. 12-15).

Dans l’introduction, l’écrivain sacré présente la situation. La Pâques est énoncée comme le passage de Jésus vers le Père. Le rappel du passage de Dieu au milieu des maisons est fort de même que le passage de la Mer Rouge de la part des Hébreux, et comme l’heure de son obéissance suprême au Père. En même temps, la Pâque est le moment le plus sublime de l’amour divin-humain de Jésus envers les siens. L’amour est le don de la vie aux siens à travers la mort-résurrection, présente et agissante dans l’Eucharistie (cf. Jn 6,54): «Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour».

Dans l’épisode du lavement des pieds, Jésus devient le Serviteur. L’évangéliste l’ébauche sans le dire explicitement. Cependant, l’allusion au Serviteur de Yahvé est sans équivoque. Jésus est le Serviteur qui appelle les siens à l’imiter («vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres»). L’Eucharistie n’est pas seulement une présence réelle, elle est aussi une implication et un compromis: Il faut écouter et imiter Jésus qui affirme que les disciples sont purs parce qu’ils ont accueilli sa Parole: «Mais vous, déjà, vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite». Celui qui n’a pas accueilli la Parole et qui a refusé la vérité n’est pas pur (cf. Jn 17,17: Ta parole est vérité»), c.-à-d. Judas qui était en train d’opérer la trahison.

Le geste de Jésus a deux valeurs: la première consiste à rendre ses disciples conscients («Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous?»). Se rendre compte de ce qui arrive est fondamental pour en comprendre la signification. C’est indispensable pour l’Eucharistie. La deuxième valeur consiste à offrir la traduction vitale du geste: «C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous» (Jn 13,15). Jésus n’offre pas un système de pensée qu’on peut appeler «doctrine», mais il s’offre lui-même comme système de pensée. C’est pour cela qu’il dit «Mon commandement, le voici: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés» (Jn 15,12). Le «comme Lui» devient le fondement de l’agir chrétien que nous apprenons dans la célébration de l’Eucharistie.

La première lecture

Le texte de la première lecture, Ex 12,1-8.11-14, a été appauvri de quelques versets concernant la cuisson et la consommation de l’agneau. Il contient les prescriptions de Yahvé pour que les Juifs sachent vivre positivement son Passage-Pâque entre les maisons.

Le texte montre clairement combien l’événement fondant de la Pâque était déjà vécu de manière «liturgique». En effet, il y a les événements rituels (agneau ou chevreau sans défaut, de l’année, immolé au coucher du soleil, rôti, mangé avec des pains sans levain et des herbes amères; mangé en toute hâte, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main; aucun reste à la fin du repas; le linteau des maisons marqué du sang de l’agneau), le commandement pour les célébrations successives («Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur, une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel: d’âge en âge vous la fêterez») et la proclamation de la Parole qui remplace le passage de Yahvé au milieu des maisons (cf. Ex 12,26-27: «Et quand vos fils vous demanderont: “Que signifie pour vous ce rite?” Vous répondrez: “C’est le sacrifice de la Pâque en l’honneur du Seigneur: il a passé les maisons des fils d’Israël; en Égypte; lorsqu’il a frappé l’Égypte, il a épargné nos maisons!”»).

La deuxième lecture

Le texte de Paul aux Corinthiens (1 Co 11,23-26) est le témoignage rédactionnel le plus ancien du dernier repas et de l’institution eucharistique. L’Apôtre introduit le récit par une formule classique «j’ai moi-même reçu… je vous l’ai transmis». Cette formule est adoptée également dans 1 Co 15,3 pour introduire le kérigme–credo de la communauté primitive («Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu: le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu…»). Donc, le mémorial de la dernière cène n’est pas quelque chose de périphérique mais d’essentielle à la foi chrétienne et il s’agit de quelque chose d’intimement reliée au fondement même de la foi: le mystère de mort et de résurrection de Jésus. De plus, Paul offre une interprétation de la célébration. Ce n’est pas seulement un geste d’obéissance à ce que Jésus a prescrit (action de célébrer), c’est aussi une annonce. En effet, toute célébration proclame la mort du Ressuscité (Kyrios est un titre christologique du Ressuscité) jusqu’à la Parousie.

R. DE ZAN