Comme je me souviens…

Notice historique de la Congrégation (Société Saint Paul) (1)

Sollicité par un confrère qui n'est pas de la première heure et qui me demandait avec insistance - ous qui avez vécu les origines de la Congrégation, racontez-nous quelque chose de ses débuts". Curiosité permise dans le but de connaître le mode de vie et le cours des événements.
Je dis tout de suite que je n'ai pas l'intention de rapporter ce que j'ai lu ou entendu dire mais ce que j'ai vécu à partir de mon entrée à "L'ÉCOLE TYPOGRAPHIQUE" (appellatif de l'époque) au début d'octobre 1919. Ma mère m'accompagnait.
Mes notes n'ont pas une suite chronologique, ni un style d'écrivain. Je les rédige comme je m'en souviens, dans les moments libres, et particulièrement entre un pénitent et l'autre au cours de mon ministère sacerdotal.
Nous sommes arrivés à Alba le 2 octobre 1919 après avoir passé une journée à San Stefano Roero chez ma grand-mère maternelle. De Canale où nous étions arrivés à pied, en calèche qui était le seul moyen de transport, nous sommes arrivés au terme de notre voyage.

Le Lieu

Le curé ne nous avait pas donné d'adresse mais seulement le nom ÉCOLE TYPOGRAPHIQUE. Le cocher ne savait rien de cette École typographique, il nous fallait donc chercher dans l'espoir de trouver quelqu'un qui puisse nous contenter. Après plusieurs réponses -" je ne la connais pas; je ne sais pas ce que c'est!" - finalement, une Sœur, responsable d'un jardin d'enfants, nous dit : je pense que c'est la maison d'un prêtre qui habite avec quelques garçons au 9 rue Vernazza. Ce n'était pas loin et nous avons demandé à la concierge si l'École typographique était vraiment là. Elle nous répondit oui et elle nous fit monter jusqu'au dernier étage en nous disant que la personne qui se trouvait là pouvait nous fournir toutes les informations.
Et nous voilà devant cette personne qui était la cuisinière et la mère d'une future Fille de Saint Paul - Maestra Teresa que nous avons bien connue par la suite pour ce qu'elle nous a fait digérer, avec la responsabilité qu'elle avait. Malgré tout, elle fut une très bonne sœur.
Elle nous dit : ici, ils viennent seulement pour l'habitation, c'est-à-dire : manger, étudier, prier et dormir. Tout le reste se passe ailleurs. La typographie est située Place XX septembre, la librairie, sur la rue Mazzini où le directeur a son bureau. Il nous restait à aller à la recherche des ces deux adresses, d'abord celle de la rue Mazzini où le directeur avait son bureau. La cuisinière avait donné des indications précises et nous avons pu trouver l'endroit facilement

Le bureau du Théologien

Nous voilà dans la librairie. En arrière, le Théologien Alberione avait un débarras, dans l'arrière boutique librairie, qui lui servait de bureau.
Ayant connu le motif de notre entrée, le garçon libraire annonça au Théologien le but de notre arrivée. Et nous voilà aussitôt dans son bureau : maman, moi, et la mère de maman. Après une salutation respectueuse, nous avons trouvé où nous asseoir.

Le Théologien (2)

Le Théologien a eu du flair, celui qu'il a toujours eu d'ailleurs pour la connaissance des personnes. Il a interrogé ma mère sur tout : santé, pratique religieuse, tendances de la famille. Et dans cette conversation, même brève, il a compris que ma mère était une femme de foi. Quant à moi, je l'ai perçu à partir des questions fréquentes qu'il me posait sur son état. Cette connaissance me fut révélée lorsque, au lendemain de sa sépulture, en fouillant dans ses tiroirs, j'ai découvert plusieurs lettres que j'ai détruites stupidement en me disant, maintenant, elle est enterrée.

Connaître le Théologien fut une chose très simple pour moi. Un homme maigre, courbé, avec deux yeux qui pénétraient jusqu'au fond du cœur. Peu de paroles, mais des paroles claires qui interpellaient toujours.

La rencontre ne dura pas très longtemps mais rien de nécessaire ne fut négligé et les deux intéressés furent satisfaits. Elle se termina en lui demandant si je pouvais rester à dîner avec ma mère, permission accordée et repas des pauvres, quelques petits pains qu'elle avait préparés et que nous avons mangés sous les arbres de l'allée qui allait de la Place Savone au Sanctuaire de la Moretta.

Petite épisode

Une petite anecdote qui a peu à voir avec ce que nous sommes en train de dire mais qui prouve le courant d'opinion qui circulait à Alba dès le début de la Congrégation paulinienne. La majorité des gens était contre lui mais le Seigneur fut toujours avec lui.

Ma mère, qui désirait en savoir davantage sur ce prêtre et sur cette École typographique, dit : allons prendre un café. Elle choisit un bar sur la Place XX septembre, pas très loin du siège de la typographie; elle demanda à la serveuse - vous qui êtes proche, que dites-vous de ce prêtre et de son œuvre, l'École typographique? J'ai l'intention de lui confier mon fils. Elle répondit immédiatement : prenez bien garde de laisser votre fils là; ce prêtre veut que les jeunes deviennent tous prêtres, et il n'y en avait pas encore un. Giaccardo était encore séminariste. Ma mère lui dit aussitôt : j'ai prié toute ma vie pour que le Seigneur me donne la grâce de compter un prêtre parmi mes fils. Si cela s'averrait, je serais vraiment contente. Avec les sous du café, j'ignore ce que la serveuse a conclu, mais ma mère est partie avec un peu plus de tranquillité.

Les habitations (3)

Venons-en à ce qui nous intéresse davantage, c'est-à-dire aux habitations des premiers temps de la soi-disant École typographique. Comme je l'ai dit, je veux seulement parler de ce que j'ai connu et vécu.

Commençons par l'habitation de la rue Vernazza, lieu qui servait de vraie demeure. Tout était compris dans le dernier étage de la maison et le grenier. On entrait par le palier où finissait l'escalier, la porte nous introduisait dans un hall autour duquel il y avait quelques portes. Les étages au-dessous étaient occupés par le maître de maison.

La première porte qui donnait sur le hall conduisait à la cuisine, très petite, pour une famille peu nombreuse. La deuxième donnait accès à un escalier de bois menant au grenier. Les greniers des anciennes constructions étaient des dépôts de matériaux insolites. Donc, pas de finition. Pour nous qui devions imiter la grotte de Bethléem, c'était un luxe. Et le grenier était devenu le lieu plus occupé par le dortoir. Nous dormions sous les tuiles et nous entendions couler la pluie. Ce grenier sans fenêtres fut occupé au maximum et le Théologien y avait lui aussi sa place pour dormir. Aucune commodité mais beaucoup de bonheur. Nous récitions l'invocation : Vierge Marie, Mère de Jésus, sanctifiez-nous qui se terminait avec l'invitation : Rappelez-vous de réciter les trois Ave Maria. La troisième porte servait à entrer dans la salle utilisée comme dortoir. Une salle qui, en collant les lits l'un contre l'autre, pouvait en contenir huit à dix. C'était le dortoir des derniers arrivés; ils y avaient leur place pour les premiers jours. Quand d'autres arrivaient, le responsable, ou sur le conseil du Théologien, les choisis allaient se trouver une place au grenier. Personnellement, je ne l'ai pas occupé longtemps et j'ai pris une place dans une lucarne du grenier. La quatrième porte nous menait à la chapelle. Une petite salle bien éclairée par deux fenêtres. Dans cette salle, il y avait une porte permettant d'entrer dans une petite chambre qui était le dortoir de Giaccardo et qui devint ensuite une place pour les ex-séminaristes. Elle pouvait contenir cinq lits bien collés l'un à l'autre.

Je pense qu'il est bon de dire deux mots sur la chapelle. J'ai parlé d'une petite salle bien éclairée où il n'y avait rien de superflu. Un petit autel, quelques prie-Dieu. La majorité restait à genoux sur la prédelle de l'autel ou sur le plancher. C'était là que le Théologien communiquait ce qu'il avait à cœur. Chaque matin, s'il n'était pas occupé à des choses séreuses, et jusqu'à ce que Giaccardo soit ordonné prêtre, il célébrait la messe, donnait la méditation, et le soir, après les prières, il donnait la pensée récapitulative de la journée. Lorsque tous sortaient pour aller se reposer, il s'arrêtait pour recevoir et entendre qui voulait lui parler. Il n'y avait aucun ornement sauf une statue de la Madone de Lourdes sur la cheminée, en face de l'autel. Plus tard, la dame Cavazza nous a donné le petit trône qui nous a permis de donner la bénédiction solennelle avec l'ostensoir. Auparavant, on la donnait toujours et seulement avec le ciboire.

C'est dans cette petite chapelle qu'on commença la pratique des dévotions de la Famille paulinienne. Sans le vouloir, j'étais toujours un des premiers à arriver à la chapelle le matin. Je priais seul en attendant l'arrivée des compagnons. Un bon matin, le Théologien me dit : pourquoi arrives-tu toujours avant? Désormais, quand d'autres arrivent, fais réciter quelques prières. Je lui demandai lesquelles. Il me répondit, la prière de saint Bernard : Souviens-toi… puis, celles que tu veux, de ton choix. Un peu à la fois, il nous rédigea différentes prières qui furent retouchées avec le temps mais qui conservèrent toujours le sens que le Théologien leur avait donné. La semence des prières fut jetée dans cette petite chapelle mais aussi la semence la plus importante, celle de la spiritualité paulinienne. Après nombre d'années, en pensant à cette petite chapelle, j'ai envie de dire : temps heureux et beaux, avec le regret de constater que les choses ne sont plus celles d'alors. Nous vivions la vie de famille où le Supérieur était notre frère aîné.

Les habitations (4 suite)

La cinquième porte nous introduisait dans un couloir où il y avait quelques lits. Toutes nos préoccupations consistaient à trouver un endroit pour pouvoir nous reposer. Personne ne se plaignait et lorsqu'on est content, tout va bien. La sixième porte donnait accès à une salle qui servait de lieu de réfection, mais où le maître Giaccardo faisait habituellement l'école. Dans cette salle, il y avait une porte donnant accès à une salle d'étude.

Le Théologien ne se préoccupait pas des commodités. Ses exigences, s'il en avait, étaient toutes tournées vers la chapelle. Il nous disait, même si nous avons peu de choses, nous avons toujours plus que ce que la famille de Nazareth avait! La maison avait aussi une cour mais il nous était défendu d'y aller. Imaginez des jeunes d'une quinzaine d'années ou un peu plus, obligés à se détendre dans une salle d'étude remplie de bancs. Après dîner, la récréation se faisait sur le parcours qui menait à la typographie et celle du soir, sur une place de la ville où le Théologien en profitait, si c'était nécessaire, pour appeler quelqu'un, pour une parole d'encouragement ou s'il le fallait, pour un mot de correction.

On peut se demander quelle atmosphère régnait dans cette situation de pauvreté. La réponse est très facile. Ceux qui vivaient dans la joie, persévéraient. La Congrégation était jeune, ses membres étaient jeunes et sans exigences; la seule préoccupation était de voir que le Théologien était content. Nous pouvons vraiment dire qu'on vivait un passage de l'Évangile. Heureux les enfants; ils n'ont d'autres soucis que celui de plaire au père, et pour nous, le père, le Théologien était tout; l'avenir ne nous préoccupait pas.

Le mal est venu dans la maison lorsqu'on a commencé à raisonner et à commander, un mal qui a continué à se développer et qui continue à faire des dommages. Le Théologien disait aussi longtemps que vous obéissez, le Seigneur vous donne des grâces parce que vous dépendez de Lui. Lorsque vous vous imposez, il vous quitte et vous souffrez. Soyez comme des enfants pour jouir de l'amitié de Dieu! Un grand enseignement que le Théologien répétait. Ne trouvons-nous pas dans ces enseignements, l'âme, l'esprit paulinien?

Revenons à notre histoire. La brave cuisinière faisait tout pour préparer ce qu'il fallait pour nous alimenter mais elle n'était pas en mesure de faire des miracles et nous étions contents lorsque nous pouvions manger quelque chose. Ce n'était pas surprenant de déjeuner avec un peu de soupe du soir gardée chaude dans des chaudrons entourés de résidu de bois et déposés dans une boite. Je ne loue pas cette pénitence, je me souviens trop des conséquences spirituelles et corporelles.

La typographie

La typographie était dans un local déjà existant et déclaré antique, par conséquent intouchable, qui appartenait à un avocat. Il ne pouvait pas être plus petit. Trois salles, deux de surface discrète et une très petite. Dans une des plus grandes, il y avait quelques bancs avec un comptoir et des boites contenant les caractères pour la composition, une table pour le travail de mise en page, une petite presse à épreuves pour avoir les épreuves à corriger. Là où c'était possible, on mettait une boite qui servait au correcteur. C'était le pupitre du maître Giaccardo. Dans la deuxième salle, il y avait la presse Marinoni et une petite machine à pédales qui servait pour les petits travaux. On y ajuta ensuite la presse Export. Le papier arrivait à compte-gouttes et toujours précis pour le travail à faire; on trouvait toujours un endroit où le déposer. Il arrivait toujours en temps et sur mesure. Dans un coin, il y avait un coupe-papier qui fonctionnait manuellement mais qui faisait son travail, et qui nous faisait aussi faire des mérites. La petite salle était vide mais elle attendait l'arrivée de la linotype.

Voilà le lieu que nous appelons maintenant apostolat mais qui, à cette époque s'appelait simplement TYPOGRAPHIE. Il ne tarda pas à prendre le nom d'apostolat parce que dans ses exhortations, le Théologien nous disait toujours que par notre travail nous prêchons; et pour que la prédication porte du fruit, nous disions toujours des invocations, récitions le Chapelet etc. Le travail de la typographie n'était pas parfait et je me souviens d'un fait. Mon curé, grand prédicateur d'Exercices spirituels, me demanda de lui envoyer un exemplaire du livre Préparation à la mort. Beaucoup plus tard, en me remerciant, il me dit à propos du livre que, pour corriger plusieurs erreurs, j'ai dû en acheter un autre chez les Salésiens. Il y avait de la bonne volonté et le Seigneur faisait le reste.

La Librairie (5)

De la typographie, nous passons à la librairie. Peu de distance les sépare. Le local est très petit; il contient des livres courants de spiritualité et d'utilité pour les personnes dévotes. Le gérant est un aspirant qui reçoit aussi les personnes qui veulent parler au Théologien. Les clients de la librairie sont peu nombreux et son occupation principale consiste à recevoir les personnes qui veulent parler au Théologien. C'est là qu'avec ma mère, j'ai vu et parlé au Théologien Alberione pour la première fois. Nous avons dit quelques mots pour comprendre les attitudes du Théologien… mais nous ne comprendrons jamais son comportement lorsqu'il s'agissait de vocations.

La conversation avec maman n'a pas été très longue, mais elle toucha tous les points pour connaître la situation religieuse de la famille. Mon comportement religieux a été pour lui la clé avec laquelle il a ouvert la porte de mon cœur, et qui m'a dirigé. C'est une école qui n'est malheureusement plus utilisée de nos jours. Entrer dans le cœur de l'élève pour pouvoir le diriger et le faire avancer sur le chemin qu'on juge être le sien.

Le Théologien fut beaucoup critiqué, mais il est toujours plus facile de voir la paille dans l'œil de notre frère que la poutre dans le nôtre.

Bref, cette rencontre a été la première et elle ne s'est pas multipliée car, au cours de mes six ans de formation, ma mère est venue me voir seulement trois fois. Mais il la rejoignait à travers une correspondance assez fréquente faite d'exhortation à la prière pour ma persévérance, correspondance que j'ai détruite après sa sépulture. La dernière rencontre a eu lieu sur son lit de mort.

Toutes les œuvres du Seigneur ont commencé dans la pauvreté. Il ne pouvait en être autrement. De l'œuvre qu'il a voulue avec le concours du Théologien Alberione qui, à l'exemple de saint Joseph Cottolengo, recommandait : pratiquez la pauvreté et Dieu vous bénira toujours. La richesse est le commencement de la détérioration et de la ruine.

En lui rendant visite sur son lit de mort, Sa Sainteté, le Pape Paul VI, s'est étonné de la pauvreté de sa chambre et de son bureau de travail.

La pauvreté initiale de son apostolat, il l'a pratiquée toute sa vie; elle a donné naissance à toutes ses œuvres. Nous n'en parlons pas beaucoup mais nous nous en réjouissons.

Nous nous sommes éloignés de ce que nous avions annoncé au début mais je juge que certaines réflexions ne font pas de la mal et qu'il faudrait en faire encore d'autres. Si nous voulons, nous pouvons les découvrir en plusieurs autres écrits sur le sujet.

Laissons de côté les déviations et les descriptions de la première habitation et poursuivons…

JE VAIS DE L'AVANT

Le nombre de vocations augmentait, il fallait penser à un nid plus grand. En nous parlant de l'avenir, le théologien, qui raisonnait et agissait dans la foi, nous a persuadés de réciter souvent deux prières tirées de l'Évangile. Jésus, vous qui avez dit, vous êtes plus que les moineaux, donnez-nous notre nid à nous aussi. Et l'autre, saint Joseph, pourvoyez, pensez-y vous! C'était ses armes de défense et la source de tous ses espoirs. Animés de son courage et conscients de la nécessité, nous avons prié. Lui, il scrutait les environs d'Alba pour découvrir l'endroit où faire le nid. Altavilla l'attirait mais il ne découvrait pas l'endroit. Dans ses conversations fraternelles de chaque soir après les prières, il nous parlait souvent du problème de trouver un endroit indiqué pour notre avenir et il nous recommandait de prier, de prier et de ne pas oublier les invocations qu'il nous avait suggérées. C'est impossible que le Seigneur ne pourvoie pas.

Un soir, il nous dit qu'il avait remarqué un endroit qui pourrait faire pour nous. En allant vous promener, prenez des médailles de saint Joseph et en passant près du petit mur au bout de l'allée, dans le tournant qui mène à la Place Savone, jetez les médailles sur le jardin en disant : saint Joseph, pourvoyez et pensez-y; ne le faites pas seulement une fois mais à chaque fois que vous irez prendre une marche, en passant par ce chemin.

Au bout de l'actuelle rue Alberione et avant qu'on fasse la Place Saint-Paul, il y avait un petit mur d'abri pour les bénéficiaires du chemin parce qu'il y avait une dénivellation de plus d'un mètre et demi du chemin au jardin en question. Il y avait un danger réel. Du petit mur, on voyait ce jardin - potager, abandonné, plein d'orties et d'épines, qui était pour plusieurs le dépôt des ordures et des poubelles. Plus à l'intérieur, il y avait un potager cultivé qui appartenait à une vieille maison. Pour le moment, ce potager et cette vieille maison ne faisaient pas partie de ce qui intéressait le Théologien; pour lui, c'était la première partie dans laquelle on arrivait par une route de campagne et qu'on appelle maintenant rue Saint-Paul.

Il faut savoir que la superficie actuelle du site Société Saint-Paul fut achetée en plusieurs fois et avec des péripéties surprenantes. La débrouillardise et la foi du Théologien étaient éclairées par la grâce de l'Esprit Saint qui arrive toujours à ses fins quand le but est juste.

Vint l'heure de l'achat du premier terrain. Même si nous savions la nouvelle, il nous l'annonça officiellement dans un petit discours après les prières en nous recommandant de prier beaucoup afin que la Providence, avec le concours de saint Joseph, pourvoit au reste et il ajouta, ce n'est qu'un début. Prophétie, car il était impossible de penser aux achats et aux autres constructions qui suivraient.

Si, au lieu de nous contenter de voir ce qui existe, nous étions capables de comprendre la foi et le courage que le Théologien avait, notre conduite serait peut-être différente…

La construction (6)

À Alba, il n'y avait pas beaucoup de concurrents pour les constructions. Il y avait Barberis, constructeur assez renommé, et la petite entreprise de l'école typographique ne suscitait pas de concurrents. Le Théologien connaissait suffisamment les personnes d'Alba; nous n'avons donc pas été surpris quand nous avons su que l'Entreprise Barberis construirait notre maison, mais quand?

Avec le Théologien, il n'y avait pas de temps à perdre, et dans nos promenades qui avaient toujours le lieu destiné à notre habitation pour but, lieu qui n'avait pas de nom, nous n'étions pas surpris de voir les ouvriers qui mesuraient, plantaient des piquets, puis creusaient le terrain pour les fondations. Le travail avait commencé et il progressait; nous étions satisfaits et nous faisions des prédictions sur le moment où nous aurions la joie d'y avoir notre nid. Nous étions contents de la construction et nous limitions l'avenir à ce petit morceau de terrain. Le Théologien avaient d'autres vues.

LA BIENFAISANCE

Je ne pense pas que ce soit déplacé de rappeler que, alors que nous nous réjouissions de l'avancement de la construction, le Théologien n'oubliait pas le dicton de l'Écriture : Aide-toi et le ciel t'aidera! Il avait une confiance totale en la Providence mais il ne coopérait en tout. Tous les moyens étaient bons pour solliciter la bienfaisance. L'œuvre des Coopérateurs fut très sollicitée, la pauvreté était pratiquée à l'extrême et en tout. Pour des fins variées, le dimanche, les abonnements à La Gazette d'Alba, la diffusion de livres, les offrandes recueillies avec la distribution des Bulletins, l'œuvre des deux mille messes, etc. étaient des moyens pour acheter une brique. Le Théologien passait par le creuset de la souffrance économique mais chaque créditeur fut satisfait. Nous ajoutons aussi avec mérite que la contribution apportée avec la propagande faite par les membres de la Famille paulinienne a sa valeur. Valeur payée avec les sacrifices que Dieu seul connaît et avec des victimes qui, du ciel, continuent à nous protéger.

Est-ce que nous connaissons et prions vraiment assez pour ceux qui nous ont précédés en se sacrifiant? Les générations actuelles sont-elles conscientes de ce que les générations passées ont fait? Les enfants ne savent pas toujours ce que leurs parents ont fait. La charité et la justice sont des vertus qui ne sont pas toujours respectées et pratiquées.

LA HÂTE

Les travaux avançaient rapidement, le toit était couvert, les travaux intérieurs donnaient une impression de finition, aucune commodité, des services, utilisation campagne, un seul robinet pour la distribution de l'eau; nous y allions comme les bergers au puits de Jacob. Inutile d'en attendre d'autres par commodité, le raisonnement était simple : qui en a besoin ira prendre ce qui lui sert avec les récipients à son usage. Un dortoir donnait l'impression de finition, des fenêtres ébauchées, une installation électrique avec de petites lampes, utilisation tombeau, le plancher presque terminé. Nous ne regardions pas la finition parfaite mais nous nous demandions quand viendrait le jour où nous habiterions là. Le désir précédait l'actualisation.

Au cours d'un souper, nous avons demandé au Théologien qui prenait son repas dans le réfectoire avec nous quand est-ce que nous irions occuper la nouvelle maison. Souriant, il désirait plus que nous quitter la maison louée pour aller occuper un nid que nous avions demandé au Seigneur avec insistance. Nous regardant d'un œil satisfait, il nous demanda si nous le désirions vraiment. À l'unanimité, nous avons répondu OUI. Avec sa simplicité et sa franchise, il nous a répondu : si vous le voulez vraiment, même si la maison n'est pas parfaitement terminée et qu'il n'y a pas de commodités, après la prière de remerciement pour le souper, que chacun prenne son lit et aille dormir au troisième étage qui est l'étage le plus fini. Deux à deux, nous avons porté la litière, puis avec un voyage de fortune, nous sommes allés prendre les matelas avec les couvertures. Soirée heureuse pour nous et d'étonnement pur les habitants d'Alba qui ne pouvaient pas comprendre ce qui se passait.

Pour accéder au troisième étage, il n'y avait pas encore d'escalier mais l'échelle qui servait aux maçons nous servait parfaitement.

Au troisième étage, les travaux dans un dortoir unique étaient plus avancés mais pas tout à fait terminés; la partie plus finie, c'était la place et c'est là que nous nous sommes installés. Lorsque nous avons fini de mettre nos paillasses en place, don Giaccardo, qui faisait partie du groupe, commença les prières du soir… La première fois, les habitants des vieilles constructions qui vivaient à l'étage des cantines des édifices actuels en face de l'église Saint Paul, entendirent la répétition de l'invocation : Sanctifie-nous! Par la suite, ils nous demandèrent une explication. J'ai dit que don Giaccardo faisait partie du groupe et je me souviens de l'impression qu'il m'a fait quand je l'ai vu étendu sur son lit, tenant un gros crucifix dans ses bras. Ce fut la première nuit joyeuse en même temps que le début de nombreuses autres qui ont laissé l'empreinte de ce que devait être l'esprit paulinien. Le matin, pour nous réveiller et nous laver, l'eau des maçons qui venait d'une source du jardin de Bormida était une bonne chose. Je crois que cette source fut celle qui a été canalisée par la suite et qui jaillit encore dans le parterre devant l'habitation des membres de Famille chrétienne.

Quelle fut la surprise des maçons en venant au travail le matin lorsqu'ils ont découvert que leur champ de travail était réquisitionné? Il faudrait le leur demander. En braves pères de famille, ils ont concentré leur travail pour que notre demeure devienne plus convenable. Nous étions fiers de notre demeure nonobstant les privations qu'elle nous obligeait à affronter.

Le Théologien n'avait pas imité notre geste et pour quelques semaines, il occupa encore la vieille habitation. Sans le dire, nous avons pensé que c'était pour tenir compagnie à Jésus qu'il était resté là. Pendant quelques semaines, après le lever de 5 h 30, nous devions nous rendre à la rue Vernazza où tout le nécessaire pour l'Eucharistie était resté et c'est là que nous faisions nos pratiques religieuses du matin, ce lieu a servi aussi pour les études et la réfection pour quelques semaines encore.

Nous avions la maison, mais nous n'avions pas le minimum de commodités. La préoccupation du Théologien était d'avoir les murs. Les exigences sanitaires n'existaient pas; elles étaient ignorées. Par conséquent, même les choses les plus élémentaires étaient négligées. Dans toute la construction, on n'avait pas pensé à finir une petite cheminée pour la fumée, je ne dis pas pour la chaufferie qui n'existait pas mais également pour un poêle de la cuisine; la fumée sortait par un tube qui sortait par la fenêtre. Un peu à la fois, les exigences ont dicté les règles, mais dans les immeubles, nous ne voyons pas de cheminée sauf dans les dernières constructions. L'utilisation de l'électricité était uniquement orientée au service des machines.

Le Théologien qui prêchait souvent sur la pauvreté n'hésitait pas à nous la faire pratiquer d'une manière très positive. S'il plaît à Dieu, nous en reparlerons en détail.

LA HÂTE

Nous ne faisons pas de description hâtive; nous en venons à ces heureux jours de joie.

Un peu à la fois et sans moyens de transport publics, toute l'habitation de la rue Vernazza prend place dans la première construction que nous avons décrite, y compris la chapelle qui est aménagée au troisième étage, exactement au-dessus du bureau du Théologien. Nous en reparlerons. Nous accédions à la maison par une rue de campagne qui est devenue l'actuelle rue Saint Paul. La place Saint Paul actuelle restait un jardin abandonné, la cour de récréation était dans la cour opposée à la Place, mais elle n'avait qu'une dizaine de mètres de long, superficie limitée par un premier escarpement, je dis, premier car plus loin, le terrain appartenait à un autre propriétaire. Trois achats nous donnèrent le droit de nous servir du terrain jusqu'à la voie ferrée. Ce dénivellement donna l'occasion d'avoir la terre qui servit à la fabrication des briques.

À propos de la fabrication des briques, il faut clarifier. Plusieurs disent que les pauliniens faisaient les briques pour leurs constructions. Ça demande une explication. Les briques étaient faites par des ouvriers qui les étendaient à l'abri pour qu'elles sèchent. Après souper, au moment de la récréation, nous prenions celles qui étaient sèches et nous les portions au four pour la cuisson et nous prenions celles qui étaient cuites pour les rapporter à la disposition des maçons. La personne la plus sacrifiée, c'était Sœur Dominique, une Sœur Disciple. Toute la nuit, elle fournissait le charbon pour la cuisson.

Retournons à nos débuts. Nous habitions notre maison mais le travail se faisait encore dans la typographie de la rue XX Septembre, maison de l'avocat Pagliuzzi.

La Providence avait ses desseins et le Théologien, toujours à l'écoute, docile et plein de foi, surveillait tout ce qui pouvait nous être utile. Il entendit dire qu'il y avait une typographie à vendre à Sesto San Giovanni. Sans perdre de temps, il va la voir et il l'achète en bloc. Onze presses, trois linotypes, une monotype à clavier, une grande quantité de caractères, un camion qui sert au transport, de la typographie à la station, puis, de la station au siège définitif. Aucun spécialiste, c'est la foi qui doit agir.

Le rez-de-chaussée de la maison était terminé, le ciment à peine sec mais apte à recevoir les pièces, il est donc vite occupé. Mais à qui confier le déménagement? Il reluque les jeunes et il en choisit sept ou huit, et avec des ex-séminaristes, il les envoie à Sesto San Giovanni pour démonter, charger et expédier ce précieux matériel à Alba.

… Je ne fus pas du groupe parce que ces jours-là, le docteur Cavazza, fils de madame Cavazza, propriétaire du château de Barbaresco et grande bienfaitrice, voulait que nous imprimions un opuscule sur l'agriculture dont elle était professeur. Nonobstant mon incompétence, je dus renoncer à Sesto San Giovanni pour faire ce travail.

Les wagons arrivent à Alba et avec des chevaux prêtés par Bonardi, trafiquants de transport qui habitait à nos confins, de la station, les machines arrivèrent à destination. Une partie est déposée dans la salle destinée à cet effet, et une grande partie est déposée dans la cour. Nous n'avions pas conclu de pacte avec la nature, mais peut-être pour laver ce matériel qui, dans la typographie de Sesto, n'avait pas toujours produit ce qui est édifiant, un averse amena de la rue de campagne une quantité de terre telle que nous fûmes obligés d'y chercher les pièces des machines comme les trèfles et les truffes.

Le Théologien avait confié à chacun la tâche de monter une machine. Monter une machine, du jamais vu! Soyons sincères, personne n'a réussi à faire en sorte qu'une feuille soit imprimée. Puis, on a eu recours à un ouvrier qui s'y connaissait et qui, avec calme, les mit en fonction.

En même temps, au milieu de nombreuses péripéties, on transporta les machines et le matériel de la typographie de Place XX Septembre. Beau souvenir mais description trop ennuyeuse! Nous pouvons tout résumer en disant que le Théologien n'avait qu'un but, avoir les moyens pour produire et faire le bien. Il disait que la Providence fait fondre les difficultés.

LA CHAPELLE

Les maçons travaillaient à la finition de la construction et ils adaptaient les places selon les exigences et les dispositions du Théologien. Nous ne devons pas omettre de dire deux mots sur la Chapelle. Elle était au troisième étage. Au début, au-dessus du bureau du Fondateur. Rien de spécial, assez grande et fonctionnelle pour les personnes, trois fenêtres l'éclairant bien. Toujours propre. Un simple autel en bois sur une estrade, un petit tableau de saint Paul, du Sacré-Cœur et de Marie. Un matin, en entrant dans cette chapelle, nous avons vu sur le mur opposé au tabernacle deux écrits en lettres dorées sur fond noir : Ne craignez pas. Je suis avec vous. D'Ici, je veux éclairer. Et un peu plus tard, en-dessous du tabernacle : Ayez le regret des péchés. Des paroles que le Théologiens nous a expliquées pendant plusieurs jours lors de la méditation.

Avant d'avoir sa place fixe, au milieu du jardin, la chapelle était adaptée au nombre augmentant des aspirants.

LE THÉOLOGIEN

Jusqu'ici, j'ai essayé de rappeler les événements inhérents aux choses matérielles, mais je pense qu'il est juste et louable de dire aussi quelque chose du Fondateur. Et je le répète, je ne fais pas d'étude et je souligne seulement ce que je connais pour l'avoir vécu. Dans ses notes, le père Giaccardo nous a transmis la spiritualité, son enseignement qui est la vie de tout, mais pour nous, les jeunes, notre connaissance du Théologien était plus physique que morale.

Je le décris tel que je l'ai connu. En le voyant la première fois, lorsqu'avec ma mère, nous l'avons cherché pour me présenter comme aspirant au groupe de l'École typographique, sa physionomie me rappela la photo que j'avais souvent admirée dans la sacristie de mon village. C'était une photographie d'un prêtre décédé : Vicaire de Rosta, mort… en odeur de sainteté. Mon imagination travaillait, mais je me suis dit, il ressemble vraiment beaucoup à ce prêtre.

Le Théologien était un petit prêtre maigre, légèrement courbé, avec deux yeux pénétrants qui allaient épier jusque dans l'âme. Toutes ses paroles étaient des questions. Aucune parole élogieuse mais des conseils. Il parla très peu avec moi. Au contraire, il parla longuement avec maman, l'interrogeant sur ma santé et celle de ma famille, sur la pratique religieuse de la famille et sur les tendances. Il n'omit aucun sujet. Ma mère n'était pas instruite mais elle avait une spiritualité très profonde. Le Théologien l'avait compris et j'en ai eu la preuve lorsqu'il m'a demandé de ses nouvelles, lorsqu'il lui a rendu visite sur sont lit de mort. J'en ai eu la confirmation quand j'ai vu la quantité assez considérable de lettres qu'il lui avait écrites mais que j'ai bêtement détruites au lendemain de sa sépulture, avec l'excuse que désormais elle était enterrée. Ça témoignagerait que le Fondateur avait soin des vocations en conseillant à ma mère la pénitences et la prière.

Maman avait déduit que c'était un bon prêtre et elle m'avait souvent répété de toujours lui obéir, de le respecter.

Au terme de notre première rencontre, maman lui avait demandé si je pouvais aller encore avec elle pour le pauvre repas préparé avec quelques petits pains, permission qui lui fut immédiatement accordée et ce fut le repas d'adieu sous les arbres de l'avenue qui va de la Place Savona jusqu'à la Moretta. Avant de nous séparer, maman a voulu retourner saluer le Théologien qui l'a reçue dans son bureau et qui lui a recommandé de rester tranquille mais de prier beaucoup pour moi. Une recommandation qu'il lui faisait chaque fois qu'il lui écrivait, témoignage prouvé par les écrits que j'ai détruits, sauf une image que j'ai toujours conservée en souvenir.

Maman, qui s'était toujours préoccupée de mon avenir, s'était laissée prendre par le titre "École typographique", mais en se servant du Théologien Alberione, le Seigneur avait d'autres intentions.


LA GRANDE PRÉOCCUPATION


Le Théologien vivait dans une grande préoccupation, pas des choses matérielles mais celle d'avoir des jeunes qui le suivent. Les vocations sont la continuation de l'œuvre, la réalisation de ce que le Seigneur veut; sans elles, l'oeuvre s'éteint avec sa propre existence. Le Fondateur l'avait bien compris, c'est pourquoi l'attention portée aux vocations était sa première tâche, sa principale préoccupation. Moi, j'étais une petite plante qui, transplantée de Rosta à Alba, devait être arrosée, engraissée et émondée. C'est le travail que le Théologien a commencé.

Quand ma mère fut partie, le Théologien m'accompagna à la typographie; il me recommanda à Ambrogio Domenico, responsable du département; il me quitta mais ne m'abandonna pas. Après le travail à la typographie, à partir de la Place XX Septembre, quand tous s'en allèrent sur la rue Vernazza pour étudier, le Théologien commença son travail. Il m'emmena avec lui et commença à me convaincre. J'étais peu convaincu de ma vie sacerdotale, j'ignore pourquoi le Théologien eut immédiatement d'autres idées.

Plus tard, j'ai compris combien le Théologien était préoccupé de faire comprendre la valeur d'une vie consacrée. Il ne se contentait pas de l'arrivée des vocations, il voulait qu'elles se persuadent et qu'elles vivent en profondeur ce qu'elles avaient appris. Il aimait, encourageait, aidait et il n'était tranquille que lorsqu'il pouvait constater la persuasion et la persévérance.

Aujourd'hui, on parle beaucoup de vocations et on a une certaine satisfaction quand on peut dire : nous en avons. Le nombre n'est pas très grand mais quel qu'il soit, il compte peu si on ne se dépense pas pour elles. Les vocations sont telles en autant qu'elles sont une partie de nous-mêmes. Cette tâche suscite un peu de curiosité et nous nous demandons quel était le comportement du Théologien dans la tâche de la formation dans les premières années. Je dis tout de suite que la base de ce travail, c'est la confiance, confiance des deux parties. Si on approche une personne avec crainte et forcément voilé de peur, la franchise et la vraie manifestation sont impossibles. On ne formera jamais un jeune si ce dernier nous approche avec crainte, sans s'aimer, et sans faire une montagne avec un petit tas de poussière. Pour nous faire comprendre cette prérogative, le Fondateur nous a dit dans une conférence qu'il allait nous enseigner comment traiter les jeunes. Il nous a dit qu'un curé en avait combiné une grosse et qu'il était allé trouver l'Évêque, Mgr Re, pour s'excuser, mais craintif, l'Évêque lui dit peu de paroles, aucun reproche et il le congédia avec sa bénédiction. Confus, le pauvre s'en retourna à sa place et il fit beaucoup de bien.

Avec l'estime et la confiance, il faut l'exemple. Malgré ses occupations, non seulement dans la maison mais également à l'extérieur : Séminaire, Direction spirituelle dans quelques maisons religieuses, engagements paroissiaux, le Théologien vivait dans la maison comme chacun de nous; il avait ses tâches mais il ne se dispensait jamais de l'horaire et de la fidélité aux actes communs; plus d'une fois, ou au souper ou à la Chapelle après les prières, s'il n'avait pas été avec nous pour les prières prescrites, il disait : aujourd'hui, pour ceci ou cela, j'ai du aller… et cela, pour ne pas nous donner l'occasion de penser à une négligence de sa part. Pour les pratiques religieuses, il était toujours le premier, il pratiquait ce qu'il nous disait : l'exemple entraîne. La fidélité était donc pour lui une arme puissante de défense et de conviction.

Les vocations augmentaient et c'était des plantes à cultiver avec tous les égards. Aussi longtemps qu'il a pu faire ce travail délicat, il l'a fait lui-même personnellement, ensuite, il se fit aider par des membres qu'il avait formés et en qui il avait confiance. Cependant, il ne négligeait pas sa surveillance générale et paternelle. En raison de la nécessité de changer un membre chargé de formation, il me demanda un jour qui j'aurais conseillé de mettre pour le remplacer, en lui conseillant quelques noms, je me suis permis de lui dire, je ne mettrais pas X; il m'a répondu, sois tranquille que X n'aura jamais une mission si importante.

La confiance était le fondement de sa tâche de formation, mais toujours basée sur la fidélité à l'observance. Il était inamovible dans ses idées, il fallait l'écouter. Il comprenait le comportement de certains individus mais il les excusait parce qu'il connaissait leur bonne volonté. La fidélité à la piété était pour lui le thermomètre de la bonne volonté. Il disait que si un jeune priait et s'efforçait d'avoir vraiment de l'amour pour le Seigneur, il faisait preuve de vocation. Il était très rigoureux sur la fidélité aux pratiques de nos dévotions. Ce n'était pas seulement la fidélité aux exercices de piété exprimés verbalement, mais la fidélité à l'observance des devoirs de la vie commune.

L'examen de conscience qui est la pratique du contrôle de soi était la plus recommandée. Dans les premiers temps, pour bien accomplir cet exercice, on avait l'habitude de le faire par écrit sur des feuilles imprimées exprès. Pour faire comprendre que la pratique était vraiment efficace, il disait chaque fois que nous imprimions les feuilles pour l'examen de conscience et que le Seigneur nous donne des grâces spéciales.

Non seulement il valorisait l'examen de conscience, mais pour la nourriture, un peu à la fois, la visite au Saint Sacrement se perfectionna et elle prit la forme prescrite des trois points Voie, Vérité, Vie. Avant le perfectionnement de cette pratique, la visite au Saint Sacrement était plus simple, mais le Théologien y tenait et il nous disait que sans air, on ne peut pas vivre. Elle consistait à prier le Rosaire mais toujours suivie d'une lecture spirituelle. Nous trouvons ainsi que la Messe, les prières, la méditation ont toujours été la nourriture que le Théologien a donnée à ses protégés.

L'ACTION DE MARIE

Même si nous avons déjà fait allusion à la formation, il n'est pas superflu de parler de la place que Marie occupait dans la formation des vocations dans l'œuvre du Fondateur. Marie est la maman et la maman a soin de ses enfants; elle se donne surtout pour ceux qui ont davantage besoin. Un jeune en crise vocationnelle s'était présenté à lui; il discuta avec lui puis il lui dit : " va à la chapelle réciter une partie du Rosaire et reviens, ensuite, nous déciderons. Entre-temps, je vais trouver le Fondateur, je ne sais plus pourquoi et il me demande si j'ai vu le jeune… je lui réponds affirmativement : en venant ici, j'ai vu qu'il est dans la chapelle. Il me répond : c'est bon signe. Par la suite, c'est le jeune lui-même qui m'a raconté le fait et comment le Fondateur l'avait dissuadé de faire un faux pas. Lorsqu'il parvenait à inculquer la dévotion à Marie dans le cœur d'un jeune, au nom de Marie, il lui faisait faire ce qu'il voulait. Nous connaissons toutes les pratiques de dévotion envers Marie. Les trois Ave Maria le matin, et le soir pour terminer la journée dans les bras de Marie, puis l'invocation : Vierge Marie, Mère de Jésus, sanctifiez-nous! Le Rosaire était la prière qu'il nous recommandait constamment. La consécration à Marie, pratique de dévotion de saint Louis Marie de Montfort, tenait une place festive et le Fondateur préparait cette acte en nous faisant faire le vœu de chasteté en privé. C'était les secrets qu'il avait pour alimenter la joie et susciter le zèle dans la fidélité. En parlant de secrets, je veux dire que ce n'était pas les seuls. Il avait toujours quelques nouveautés. Bienheureux les simples qui se laissent conduire, car le Royaume de Dieu leur appartient.

L'EUCHARISTIE

Tout nous vient de Jésus par Marie et saint Paul. Avec cette affirmation, nous pouvons facilement comprendre combien le Saint Sacrement occupait une place de premier rang dans la formation de ses aspirants à la fidélité à la vie religieuse. Cette dévotion naît dans la messe et dans la communion. Une preuve de sa conviction fut la préoccupation de faire imprimer les premiers petits missels pour le peuple et d'en imposer l'utilisation pour la participation à la messe. Durant la Messe, on avait l'habitude générale de réciter différentes prières et même les prières du matin; pour remplir le temps, on récitait aussi le Rosaire. Je me souviens qu'il nous a dit un matin : à partir de maintenant, récitez les prières avant la messe et durant la messe, servez-vous du petit missel que nous avons imprimé et unissez vos prières à celles du prêtre pour ne faire qu'un avec lui.

Qu'est une messe si l'assistant ne s'unit pas au prêtre pour faire avec lui l'offrande de soi à la gloire du Père. Nous n'allons pas à la messe pour passer le temps; nous y allons pour accomplir une œuvre sacrificielle.

De la messe, on passa à la perfection de la visite au Saint Sacrement. Une heure d'adoration divisée en trois parties rigoureusement imposées. Le Fondateur affirmait que si nous vivons avec Lui et de Lui, nous n'avons aucun motif de craindre. D'où l'explication des deux inscriptions placées près du Tabernacle : Ne craignez pas. Je suis avec vous. D'ici, je veux éclairer.

Nous avons le résumé de cette affirmation dans la prière qu'il a composée et qu'il a beaucoup recommandée : LE PACTE, que nous appelons maintenant LE SECRET DE RÉUSSITE et qui est l'expression authentique de la foi du Théologien.

Si nous devions écrire tout ce que le Théologien nous a dit et qu'il a pratiqué, nous aurions de très nombreux cahiers. Il suffit que nous nous dépouillions de notre égoïsme et que nous mettions tout en pratique pour comprendre maintes choses.

REVENONS À NOS CONSTRUCTIONS

Nous avons fait allusion, même confusément, à la réalisation de la première construction ainsi qu'au début du travail apostolique. Ce ne fut qu'un début. Les invitations à se joindre au groupe des aspirants portaient du fruit. Les demandes d'admission se succédaient sans interruption; il fallait penser à loger les jeunes. La première aile à peine terminée, le Théologien fit le nécessaire pour commencer la deuxième qui fut complétée à l'émerveillement de la population d'Alba comme à notre satisfaction. Sans perdre de temps, la première partie du deuxième bâtiment fut commencée.

Les constructions se succédaient et se remplissaient de jeunes mais ce n'était pas toute la préoccupation du Théologien. Il voulait davantage, il voulait porter la lumière de l'Évangile à tous les hommes, inculquer la connaissance et la fidélité à l'observance des commandements. L'apostolat ne consiste pas simplement à produire et convertir; à l'époque, le seul moyen de l'accomplir, c'était la presse.

Les machines fonctionnaient et le travail ne manquait jamais; de temps à autre… une nouveauté pour perfectionner le travail. On réorganisa la machine pour les clichés, la machine pour la production de l'encre, la composition mécanique, la papeterie, les rotatives et finalement, l'offset. Tout fonctionnait et il fallait fournir les textes. La préoccupation du Théologien fut de reproduire les textes les plus en vigueur pour nourrir la vie spirituelle. Tous les textes de saint Alphonse, puis ceux de saint François de Sales, de Grignon de Montfort auxquels s'ajoutèrent ceux de Chiavarino sur la confession et la communion et qui nous ont donné beaucoup de travail. Ces livres étaient toujours sur la table de travail. Puis ce fut l'Écriture Sainte. Du Nouveau Testament, on passa à la Bible. Quand je pense que la lecture intégrale de la Bible était défendue au Séminaire, et qu'en plus de la recommander, le Théologien la multipliait pour toutes les familles, je reste émerveillé.

Les productions n'étaient pas faites pour rester en stock. Voilà un autre défi du Théologien. Aux Filles de Saint Paul, il diminua un peu la préoccupation de la production pour leur confier la tâche beaucoup plus pénible, mais productive, de la diffusion.

Les Filles de Saint Paul deviennent des apôtres ambulantes et elles forment des foyers des vérités divines avec les centres de diffusion.

Toutes les congrégations de la Famille paulinienne ont un but qu'on appelle habituellement Apostolat, c'est-à-dire une Action toute orientée à faire connaître Dieu et à promouvoir sa gloire.

Ce nom est souvent l'expression d'un but de l'action mais il sonne faux s'il s'arrête simplement à l'action. L'apostolat est l'action de l'apôtre qui avait un but, celui de conduire à la connaissance de Dieu. Il n'y pas d'apostolat sans communication de Dieu.

Cela nous porte à réfléchir pour comprendre la pensée du Fondateur dans l'interprétation du mot APOSTOLAT. L'action d'apostolat est une communication de la vitalité divine. Quoi communiquer si on ne possède pas? Il faut être ce que nous voulons donner. L'action matérielle de travail appelé apostolat n'est qu'un moyen de communication. Si nous ne sommes pas saints, amants de Dieu, nous ne pouvons pas communiquer sa vitalité aux autres. La vie de l'apostolat, c'est notre vie spirituelle; sans elle, notre travail est une fausseté existentielle. Avec des paroles simples, le Fondateur disait que sans la sainteté, notre travail n'est pas un apostolat mais un commerce.

Même si nous nous sommes un peu éloignés de la description du développement matériel de l'ensemble de notre œuvre, nous n'avons pas dévié de la pensée du Fondateur.

Au début de mon texte, j'ai dit que je n'avais pas l'intention de suivre un ordre chronologique, mais de rapporter les choses comme elles me venaient à l'esprit dans mes temps libres. Que ce soit cette pensée qui excuse mes répétitions ainsi que l'ordre des descriptions !

En rentrant de Susa, les Filles de Saint Paul occupèrent une partie des deux derniers étages de la première construction; c'était une solution provisoire en attendant la construction d'une autre partie qui devient ensuite leur habitation en attendant que la Providence pense à autre chose. Le Théologien ne perdait pas de temps, et sollicité pour différents motifs, il pensa à pourvoir à une autre construction pour elles. Un gros hangar avec un toit de bois devint leur lieu de travail. C'est là que les Filles de Saint Paul recevaient les imprimés; les pliaient et en faisaient de précieux volumes.

LA MAISON DU SEIGNEUR

Jusqu'ici, nous avons parlé de notre habitation, mais c'est un devoir de parler, même en résumé, de la demeure du Seigneur, le Maître de maison. La première partie de la construction, sans luxe et sans commodités, se terminait en adaptant les lieux aux nécessités.

Essayons de comprendre ce qu'était la construction car, avec toutes les modifications, personne ne peut se l'imaginer.

On entrait dans la maison par la rue Saint Paul qui était un chemin de campagne. Il y avait une porte centrale qui nous conduisait précisément au centre de la maison. D'abord, deux salles : à droite, quatre presses; à gauche, un petit dépôt de papier; des toilettes avec lavabos. Puis, l'étage était rempli de machines à imprimer.

Nous montons l'escalier qui nous porte sur un palier et un petit couloir nous conduit vers la façade; du côté de la place, nous trouvons le bureau du Fondateur. En entrant par la grande salle, les lavabos et les toilettes. Du côté de la cour actuelle, un petit parloir par lequel on accède au bureau du Maître Giaccardo, et plus au centre, la salle des caractères de montagne, ensuite, la grande salle pour la composition.

À l'étage supérieur, au-dessus du bureau du Fondateur, c'était la chapelle. La première demeure du Maître de maison. Elle n'était pas grande mais suffisante pour les personnes de la communauté. Bien éclairée par trois fenêtres, deux du côté de la Place et une troisième au fond vers la maison Bonardi. L'autel était contre le mur devant la troisième fenêtre; sur le côté de l'autel, une porte d'accès à la soi-disant sacristie. L'autel était en bois et très simple; elle était placée sur une prédelle d'un seul gradin. Les dévotions pauliniennes ont commencé dans cette chapelle. C'est là qu'elles se sont perfectionnées et que la pratique des dévotions de la première semaine du mois a commencé. Un prêtre avait pour quelques années la charge de tenir la méditation sur la dévotion. Qui a oublié la tâche du père Robaldo de nous faire la méditation sur Marie le samedi? Le père Manera, sur saint Joseph, le mercredi; le père Fenoglio, sur l'ange-gardien, le jeudi; le père Paolo, sur saint Paul, le lundi; le père Trosso, sur le Sacré Cœur, le vendredi. C'est dans cette chapelle que l'adoration du Saint Sacrement s'est perfectionnée, divisée en trois points : Voie, Vérité, Vie. C'est là que le Théologien a semé et développé la dévotion à Jésus Maître. Auparavant, on priait Jésus dans le Saint Sacrement, mais la dévotion au Maître n'était pas la base principale. C'est là que, en nous rendant pour nos dévotions du matin, nous avons vu mystérieusement du côté du tabernacle les deux inscriptions en lettres d'or sur fond noir : Ne craignez pas. Je suis avec vous. D'ici, je veux éclairer. Plus tard, on y a ajouté, sur la prédelle, en dessous du tabernacle : Ayez le regret des péchés. C'est dans cette chapelle que, pendant plusieurs jours, le Théologien nous fit la méditation pour nous convaincre de ces affirmations.

Cette demeure de Jésus Maître a duré assez longtemps. Quand le nombre des aspirants a augmenté, même avec les tours de prière, la chapelle est devenue petite. On transporta ce lieu de premier ordre dans un endroit plus convenable et adapté pour recevoir toute la communauté et permettre de lui donner les instructions nécessaires avec une seule exposition (Saint Sacrement). Cette deuxième chapelle fut dans la construction à gauche en regardant la maison à partir de la cour; elle était au premier étage de la construction. Construction dans laquelle les lieux d'étude furent établis.

Les germes semés dans la première chapelle furent transportés et cultivés ici. Lieu de témoignages surprenants. J'en cite un. En 1927, quand la Société Saint-Paul eut l'approbation diocésaine, à la fin de l'apostolat de l'après-midi, les responsables du groupe des anciens invitèrent tous ceux qui avaient émis les vœux privés à se rendre à la chapelle. Me voici à la chapelle, le Fondateur était agenouillé dans le premier banc de la rangée de gauche et il était en train de réciter le bréviaire. Lorsque tous furent dans la chapelle, il se leva, monta sur la prédelle de l'autel et sans introduction, il dit d'une voix claire : à partir de ce moment-ci, vous êtes tous déliés des vœux; ceux qui veulent les renouveler, qu'ils s'avancent.

Si les murs pouvaient parler, il nous dirait bien des choses, mais laissons que ceux qui n'étaient pas présents fassent travailler leur imagination et que ceux qui étaient présents, en tirent les conséquences bénéfiques.

Puisque nous parlons de la demeure de Jésus, poursuivons! Les constructions se remplirent de jeunes, même si la chapelle était grande et qu'on priait à tour de rôle, il y avait des inconvénients non seulement pour les pratiques quotidiennes mais également pour les récollections et les célébrations communautaires des fêtes. La nécessité de pourvoir à un lieu plus convenable et adapté s'imposait. Jésus, qui avait pourvu à bien des choses, le méritait.

Un jour, nous avons vu au milieu du jardin le Théologien avec l'Entrepreneur Barberis et quelques ouvriers; alors, nous nous sommes demandés pourquoi et notre curiosité n'a pas tardé à être satisfaite. Ils mesuraient, plantaient des piquets, nous avons donc eu immédiatement l'intuition qu'une construction devait commencer, mais pourquoi? Nous n'étions pas muets et le Théologien ne voulait pas nous laisser trop longtemps en suspens. Il nous a dit que, plaisant au Seigneur, nous ferons une chapelle adaptée pour nous de manière à ce que nous puissions mieux faire nos pratiques de piété. Il ne voulait pas seulement les constructions; elles avaient toujours un but bien déterminé. Les murs ne tardèrent pas à monter et la chapelle, même si elle n'était pas richement décorée, prit une forme convenable et adaptée au but pour lequel elle avait été réalisée.

Nous arrivions à la chapelle qui était au milieu du jardin en passant par un sentier qui, par nécessité, avait été pratiqué dans le jardin potager. Elle devint le centre de toutes les cérémonies et le témoignage de la formation paulinienne voulue par le Théologien. Que de choses nous rappellent ces murs ! S'ils pouvaient parler, ils condamneraient bien des choses qu'on oublie aujourd'hui ou qu'on transforme en attitudes favorables. Rapporter ici ce que le Théologien nous a dit dans cette chapelle serait une bonne chose, mais trop longue. Je rappelle seulement le titre de trois méditations qui, bien pratiquées, seraient la racine de la spiritualité de laquelle on parle beaucoup mais qu'on ne met guère en pratique. Les voici : Fidélité à ses enseignements avec la pratique de l'obéissance. Fidélité à la méditation, mais celle qui persuade. Observance des dispositions sans critiquer.

Si la semence jetée dans cette chapelle portait encore du fruit, l'esprit paulinien ne serait pas celui que nous vivons. N'oublions pas que le Fondateur ne voulait pas seulement le travail; le travail devait être le fruit de la formation.

Aujourd'hui, nous négligeons les pratiques de piété les plus importantes parce qu'il faut travailler. Il y a des Prêtres avec de grandes responsabilités qui ne célèbrent pas la messe; des Disciples, des conseillers qui ne participent pas à la messe. Je ne parle pas pour parler mais je suis scandalisé de le constater. Pardonnez-moi cet emportement trop vivant en mon cœur.

Mais j'en viens à la description de deux faits arrivés dans cette chapelle et qui ont laissé une empreinte ineffaçable dans mon esprit. En entrant dans la chapelle tôt le matin pour les célébrations liturgiques, nous avons vu dans le jardin des sœurs portant un vêtement nouveau. Dans la méditation, le Fondateur nous a dit : en venant dans la chapelle, vous avez peut-être vu dans le jardin des sœurs portant un vêtement qui ne nous est pas connu, c'est le Seigneur qui nous a fait don d'une nouvelle Famille. Ce sont les Sœurs Disciples du Divin Maître. Comme tâche principale, elles auront la mission de l'adoration; elles prieront pour nous, mais leur prière ne remplacera pas les nôtres.

C'était le 10 février 1924, jour de sainte Scholastique. La famille des Sœurs Disciples avait donc ses débuts dans cette chapelle. Le deuxième fait auquel j'appartenais, c'est qu'éveillés tôt le matin, avant le réveil des aspirants, et invités à nous rendre à la chapelle, sans savoir pourquoi, nous étions sept ou huit. Le Théologien charge le père Borrano de nous demander quel nom nous voulions assumer pour rappeler la profession; il endosse le surplis et l'étole et reçoit notre profession. Ce ne sont pas les seuls faits qui nous parlent des secrets du Théologien.

Cette petite chapelle riche de souvenirs n'a plus servi quand le Temple dédié à saint Paul a été construit. Elle est devenue la salle de chauffage actuelle.

Laissons de côté la demeure du Maître de maison et faisons allusion à d'autres aventures telles qu'elles me viennent à l'esprit.

On disait que le Théologien avait pris le mal de la brique. Une construction terminée, il en commençait une autre, mais où?

Les premières acquisitions étaient exigües; tout autour, il y avait des jardins et des prés plus ou moins utilisés, avec de vielles constructions partiellement habitées. Lors des récréations, nous devions faire attention à ne pas dépasser les limites fixées pour nous afin de ne pas avoir de reproches. Le Théologien convoitait ces terrains. Avec des ruses et des subterfuges, il parvint à prendre possession de ce dont nous bénéficions maintenant.

Les acquisitions n'étaient pas faites pour le plaisir d'avoir du terrain. Dans le cœur du Théologien, il y avait un désir de les occuper pour des œuvres, c'est ainsi que nous avons assisté au prolongement de la maison derrière la petite chapelle, et qui devint le dépôt du papier qui produisit, pendant plusieurs années, le trésor précieux pour la presse. Il construit le four pour produire les briques nécessaires aux constructions; il construisit l'immeuble pour la menuiserie qui immortalisa son nom avec la fabrication des bancs de l'église.

Après l'achat de la vieille maison de Saint Joseph qui était située à peu près au milieu du terrain, il engagea les Sœurs Disciples pour la buanderie, la boulangerie, la cordonnerie; l'autarchie était en pleine fonction.

Nous devons dire que Sœur Scholastique était l'âme de toutes ces tâches. Elle en avait soin et avec l'aide de saint Joseph, elle devait non seulement penser à acheter mais aussi à prier. Sous son attention maternelle, les sœurs Disciples devinrent des propagandistes, oui, mais aussi un champ d'expiation. Nous laissons ce sujet délicat et important pour un autre exposé.

Puisque nous sommes à rappeler la grande œuvre de construction, nous ne pouvons négliger de rappeler les deux constructions basilaires pour la ville d'Alba : le Temple dédié à saint Paul et l'église dédié au divin Maître.

Je ne suis pas en mesure, et ce n'est pas mon but de faire connaître les constructions en-dehors d'Alba.

En premier lieu, je me limite à dire ce que je connais de l'église dédiée au Divin Maître.

Pour moi, c'est un mystère de voir combien le Théologien est devenu propriétaire d'une première partie du terrain actuel appartenant aux Filles de Saint-Paul. Le fait est, que dans les conversations faites dans la maison, le Théologien avait reçu en don un terrain dans la région Saint Cassien avec la charge de construire une église votive en souvenir des victimes de la guerre. Jamais un mot n'avait été prononcé pour une maison pour les Filles de Saint-Paul. Le fait est que le père Manera, certainement chargé par le Fondateur, allait chaque jour vers ce champ et en compagnie de personnes que nous ne connaissions pas, mesuraient et plantaient des pieux. Pris de curiosité, au cours de nos promenades du dimanche, nous allions souvent dans cette rue qui devint le Cour Piave, mais qui n'était alors qu'une route ordinaire pour rejoindre les fermiers et les villages environnants.

Pas un mot, aucune déclaration en-dehors des conversations communes, mais avec notre curiosité, un jour nous avons constaté les travaux de fondation pour une construction. C'était le début de la construction de l'église dédié au divin Maître. Bien entendu que nous avons suivi la construction sans en savoir davantage. Dans notre esprit, c'était une église votive, et pour nous, c'était tout. Dans l'esprit du Fondateur, il y avait certainement une autre intention.

À suivre - 2e partie (clic ici)