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CONCLUSION

Ne pensons pas que tout soit fini; c'est nous qui arrêtons d'écrire. Les pas du Théologien furent encore très nombreux. Si nous devions nous arrêter aux fondations à partir de celle de Rome, puis à l'étranger, nous n'en finirions plus et cela dépasserait notre désir. D'autre part, pour quiconque le désire, il y a de nombreux écrits, même s'ils ne sont pas toujours conformes à la réalité, mais le fruit d'étude. N'oublions jamais que le Fondateur avait toujours dans le cœur, la simplicité, et dans la volonté, la gloire de Dieu.

LA FORMATION

Si nous terminions notre description ici, nous laisserions une lacune très sérieuse à l'œuvre du Fondateur.

Avoir construit des églises et fait faire des maisons pour accueillir de nombreux jeunes fut certainement une grande joie du Fondateur, mais que vaut un jardin plein de plantes si elles ne sont pas greffées avec des bourgeons qui portent les fruits désirés?

À la préoccupation d'avoir des maisons pleines de vocations s'ajoutait pour le Théologien Alberione, la préoccupation plus grande que les vocations soient formées selon son esprit. Sur ce sujet, on a dit et écrit bien des choses, peut-être en ne tenant pas toujours compte de l'esprit du Fondateur ou même seulement que l'esprit est surnaturel et que nous le voyons que dans l'œuvre.

Nous pouvons aussi définir simplement l'esprit comme l'idée qui illumine et conduit, comme l'étoile qui a éclairé et conduit les Rois Mages à la découverte de Jésus dans la grotte de Bethléem.

Ce qu'il portait dans son cœur et qu'il semait en ceux qui lui appartenaient devait constituer la règle de la vie.

Ici, je me permets de rapporter trois exemples, simples, si l'on veut, mais qui prouvaient combien il veillait et désirait que ses principes soient respectés et observés.

Il avait invité un Jésuite à animer une première semaine du mois sur nos dévotions. Il désirait certainement notre bien et notre joie. Dans la méditation du mardi sur les âmes du Purgatoire, il avait exprimé une idée que, personnellement, il avait jugée non conforme à ce que le Fondateur nous disait. Après le déjeuner, j'ai vu le fameux prédicateur avec sa valise et je me suis dit : comment cela se fait-il? La semaine s'est poursuivie avec les méditations du Fondateur et le prédicateur était reparti pour son couvent.

Après son exposé, un brave orateur s'attendait à quelques mots d'éloge. Nous étions tous dans la cour et nous parlions du sujet avec admiration du groupe de personnes, le Fondateur prend la parole et dit simplement : quand on parle pour recevoir des éloges, ça ne compte pas. Il faut parler pour convaincre et convertir. Le brave orateur dont je préfère taire le nom, interrompit ses exhortations qui furent continuées par le Théologien.

Au terme d'une explication étoffée sur l'Évangile tenue par un chanoine de la cathédrale d'Alba, le Théologien Alberione prit la parole et dit : remercions le Seigneur pour le grand don qu'il nous a fait en nous donnant sa parole, mais pour combattre une de ses affirmations, il dit, avant de le remercier, demandons-lui pardon pour notre orgueil qui veut parfois méconnaître sa vérité dans la simplicité.
Si ces trois exemples avaient été présentés dans le contexte dans lequel ils furent prononcés, ils nous indiqueraient ce qu'était l'esprit du Fondateur pour juger les desseins de Dieu. Ils nous donnent toutefois la possibilité de dire quelques mots sur ce qu'est l'esprit paulinien.

Je ne prétends pas expliquer ce qu'est l'esprit paulinien, c'est un sujet qui dépasse ma capacité. Cependant, chacun a ses idées qui, unies aux autres, complètent l'œuvre.

J'ai dit que, après la préoccupation d'avoir des maisons et des membres, la préoccupation de don Alberione était de les former à son esprit.

Il y a plusieurs tendances d'expressions, assez enracinées, qui disent que si le Fondateur vivait aujourd'hui, il changerait ses idées. Je pense que cette pensée doit être expliquée. Il portait dans son cœur le désir de s'adapter et de posséder les moyens rapides et efficaces de la diffusion de la pensée et il ne défendrait certainement pas la composition manuelle, avec des caractères mobiles; il était le premier à chercher les moyens modernes et rapides. Lorsqu'en Italie, l'offset n'existait pas encore, il me dit un jour : en Amérique, ils ont la possibilité de reproduire, avec la même composition, des volumes de différents formats, ne pourrions-nous pas avoir nous aussi la même méthode? Il était fier lorsqu'il pouvait bénir une nouvelle machine et appuyer le bouton qui l'activait. Concernant lé progrès matériel des moyens de communication, je suis parfaitement d'accord sur la disposition du Fondateur mais je ne suis absolument pas d'accord sur le deuxième point, c'est-à-dire, qu'il aurait changé, ne fût-ce qu'une seule virgule, concernant le but. Son idée était claire, nous existons pour la prédication, c'est à cette mission que nous avons été appelés et c'est ce que nous devons faire. Chaque Institut de la Famille paulinienne a sa fin et c'est seulement à condition d'agir pour cette fin que nous sommes sur la bonne voie. Je dis davantage, notre but, nous ne pouvons le faire atteindre par d'autres; les autres pourront travailler pour nous aider mais le fruit de l'apostolat, si nous voulons que ce soit un apostolat, c'est nous qui devons le vivifier. Les autres n'ont pour but que de gagner quelque chose pour vivre, c'est une charité que nous leur faisons. Chaque Institut de la Famille paulinienne doit bien tenir compte que chaque membre n'est pas appelé pour produire. Si le but de notre action est la prédication, nous n'admettons pas qu'elle soit faite simplement par des ouvriers, baptisés peut-être, mais dont nous doutons quant à la pratique. Qu'on ne vienne pas me dire que le Fondateur aurait changé. Changer la fin, c'est changer la physionomie de la Congrégation. Mieux vaut peu de choses, mais bonnes, que le beaucoup, moins bénéfique. Où est l'esprit paulinien? Ne confondons pas un ensemble de production avec un but d'apostolat vivant.

Souhaitons que dans chaque centre de la Famille paulinienne règne ce que le Fondateur désirait. Que notre seule préoccupation soit d'être de vrais pauliniens et de vraies pauliniennes !

Comment pouvons-nous comprendre un peu l'esprit du Fondateur? Connaître l'esprit du Fondateur, c'est connaître ce que doit être notre esprit. Les voies sont multiples, mais à ce que je sache, je pense que nous pouvons avoir cette connaissance en rappelant trois vertus : La sanctification de notre intelligence, l'amour de l'œuvre, l'accomplissement de notre devoir. Trois vertus, base de la vie du Fondateur et moyen de formation des pauliens et pauliniennes authentiques.

Comprenons bien que ce que nous disons du Fondateur constitue notre règle de vie.

Le "Temple" dédié à saint Paul

Je me suis souvent demandé, sans avoir de réponse, si dans les constructions des maisons, le Fondateur désignait l'endroit et après toutes les constructions des habitations, s'il décida de la construction de l'église dédiée à saint Paul à l'endroit déjà indiqué. La Place Saint-Paul n'existait pas; qui aurait pensé à une façade aussi imposante et à une Place si accueillante? En construisant les édifices qui se trouvent à côté de l'entrée du Temple, il laissa un espace qui devint l'entrée du Temple. Lorsque, plus tard, il fit construire la petite Chapelle au milieu du jardin, qu'avait-il à l'esprit? Ce fut précisément la place adapté pour la sacristie. Tout a été fait comme s'il existait déjà des plans très précis des Ingénieurs, mais nous savons qu'il n'y en avait pas. Comment expliquer la chose?

Ma curiosité était et est encore de savoir si les plans de la construction du Temple existaient vraiment dans la tête du Fondateur ou si la Providence le conduisait pas à pas dans sa volonté. C'est un fait que les choses se sont merveilleusement développées. Entre les deux maisons, il y eut et il y a la grande entrée du Temple, la petite Chapelle devint la sacristie fonctionnelle, les jardins étaient libres pour la construction. Tout semblait avoir été prédestiné. Est-ce que c'était étudié ou bien si la Providence avait conduit l'œuvre du Théologien, pas à pas?

Le Temple fut commencé sans solennité. L'ingénieur Barberis avec d'autres ouvriers guidés par les plans de L'INGÉNIÉRIE B. GALLO commencèrent à mesurer et à planter des piquets dans le jardin, plus précisément du côté gauche, en entrant dans l'église. Nous, les jeunes, nous ignorions tout mais notre perspicacité nous disait qu'il s'agissait des débuts de la construction du Temple dédié à Saint Paul. Nos récréations étaient pleines d'exclamations en voyant que les ouvriers creusaient péniblement les fondations; à l'époque, il n'y avait pas d'excavatrices. Dans notre tête, nous construisions l'église avec des conversations, des observations et des révélations. L'acte le plus solennel et officiel fut la bénédiction et la pose de la première pierre par Mgr Giuseppe Re, évêque d'Alba. C'était la première fois qu'il venait publiquement sur notre territoire.

Il y a différentes affirmations sur le lieu où cette première pierre fut déposée; on la situe à des endroits divers. J'étais séminariste et cérémoniaire pour ce rite. Qu'on me permette de préciser que l'endroit où cette pierre fut déposée, c'est du côté droit, en entrant dans l'église, à peu près au début de la chapelle du Sacré Coeur.

Coopérateurs et autorités invités, tous furent accueillis dans la simplicité, dans la pauvreté typique du Théologien. Barberis avait préparé le repas et tout ce qu'il fallait. L'Évêque bénit la niche où fut déposée la pierre avec un parchemin. L'Évêque prit un peu de ciment, scella un morceau du côté et l'ingénieur Barberis fit le reste. On aurait dû laisser un signe extérieur pour identifier la place. Je me demande si cela a été fait, mais avec tous les travaux effectués, il fut facilement couvert.

Le lendemain de la cérémonie de bénédiction et de pose de la première pierre, les travaux continuèrent, mais ils se poursuivirent lentement. Nous ne connaissons pas toutes les histoires, mais nous avons constaté que l'Entreprise Barberis fut remplacée par celle de Prunotto, du Gallo. Entreprise qui dévorait le travail, mais avant de continuer sur ce qui avait été commencé, il examina les plans, mesura ce qui avait été construit et se permit quelques corrections que nous constatons dans les murs spécialement du côté droit en entrant dans la cour. C'est alors que commença le travail qui progressait merveilleusement.

La construction continuait et tous étaient satisfaits, mais nous savons tous que chaque construction se fait avec de l'argent. Le Fondateur avait la foi mais il ne faut pas oublier le dicton : Aide-toi et le ciel t'aidera. Il ne vivait pas en attendant, mais en attendant l'aide de la Providence, il travaillait et mettait tout en œuvre pour avoir le nécessaire. Toutes les industries furent mises à l'œuvre pour solliciter la Providence : propagande aux portes des églises aux messes dominicales, abonnements aux publications imprimées dans la maison, œuvre des deux mille messes, demande de dons pour une brique, demande pour le prix d'un mètre cube de maçonnerie, comptoirs de bienfaisance, même un tirage pour deux bœufs offerts par un fermier, dons divers de personnes inconnues pour lesquelles on recommandait de prier. Je ne crois pas que la foi du Fondateur ait été vaine. Qu'il me soit permis d'exprimer ici, de ce que je sache, la contribution digne de louange des Filles de Saint-Paul. Certains disaient malicieusement, mais à propos, que les Filles de Saint-Paul étaient le coffre-fort du Théologien. Je peux dire que cela correspondait à la réalité. En disant cela des Filles de Saint-Paul, je ne veux pas dissimuler ce que les Soeurs Disciples ont fait, même si ce fut d'une manière différente.

Les pauliniens ont contribué, mais sous une autre forme, bonne mais moins considérable.

En admirant la majesté du "Temple" dédié à saint Paul, et surtout en entendant les explications, je regrette toujours qu'on magnifie l'œuvre sans souligner qu'elle est le fruit du courage et de la foi du Fondateur. Ces murs crient sa vertu, pas son génie ou ses possibilités. Tout comme dans nos adorations, nous voyons l'hostie mais pas le Seigneur qui est présent; dans les murs, sommes-nous capables de voir le courage et la foi du Fondateur? Comme il est beau de voir ce qu'on ne voit pas !

Les sacrifices produisaient du fruit. Après les joies de voir les murs, nos émerveillements furent plus grands encore lorsque nous avons vu qu'on commençait à enlever les échafaudages qui servaient à la construction de la coupole. Nous surveillions la coupole à travers les fissures des planches. En braves garçons, je pense que tous ont observé l'ordre de ne pas aller sur ces échafaudages, mais nous le désirions. L'enduit de ciment était terminé, les ouvriers commençaient à couper les planches centrales et en descendant avec un travail délicat, ils plâtraient les parois des murs en laissant la place aux nombreuses alcôves et décorations. Puis ce fut le plancher qui a été longtemps en simple ciment. À l'époque, nous ne rêvions pas au marbre.

Le Temple n'était pas encore terminé mais les nécessités obligeaient à l'utiliser. Tandis que les finitions s'achevaient, le Théologien l'utilisa immédiatement pour les fonctions religieuses.

Contre le mur où nous voyons maintenant la Gloire de saint Paul, sur une estrade de trois marches, on érigea un autel en bois construit par les Disciples préposés à la menuiserie, rien d'extraordinaire, un tabernacle surmonté d'un petit trône pour l'exposition du Saint Sacrement pour l'Adoration et pour la bénédiction solennelle. Deux beaux tableaux : un de la Madone et l'autre, du Sacré Cœur ainsi qu'un petit cadre de saint Paul. Le crucifix avait sa place sur le tabernacle. Pour moi, ce fut un autel très cher parce que ce fut l'autel de ma première messe célébrée à six heures et demie du matin pour donner à maman la consolation d'y assister et de faire la sainte communion. Nous étions six nouveaux prêtres. La concélébration n'existait pas à l'époque, mais pour la communauté, pendant six jours consécutifs, il y eut la célébration solennelle de la messe avec diacre et sous-diacre. On entrait dans l'église à partir de la sacristie en montant un escalier de bois qui donnait l'entrée par la porte actuelle de droite. L'abside était celui que nous voyons actuellement. Étant donné que le nombre des prêtres avait augmenté, on fit construire quelques autels dans les chapelles auxiliaires qui prirent le nom actuel.

Il n'y avait pas de bancs mais de simples prie-Dieu plus ou moins stables desquels il arrivait parfois que les jeunes glissaient, rappelant l'attention des autres.

Si le Temple Saint Paul est témoin de nombreuses belles cérémonies religieuses, il est aussi témoin, entre autre, du Congrès de L'ÉVANGILE dans l'histoire de la vie d'Alba. Le Théologien l'avait beaucoup désiré et il le prépara avec une large publicité. Le Temple fut bondé d'auditeurs. Mgr Giuseppe Re, évêque, le maire Vico, l'honorable Bubbio, le chanoine Giordano, grand conférencier ainsi que d'autres autorités étaient présents. Ce fut le premier acte public accompli dans le Temple et l'étincelle enflamma l'incendie de l'œuvre évangélique. Tous prirent la parole, en dernier lieu, dans sans simplicité, ce fut le tour du Théologien avec ses mots habituels. Remercions le Seigneur du don précieux qu'il nous a fait en nous laissant sa parole, mais demandons-lui pardon si nous n'avons pas toujours été capables de la comprendre, si nous ne l'avons pas lue et méditée humblement. Qu'elle soit toujours la lumière de nos pas et le réconfort de notre cœur !

Une grande cérémonie marquée uniquement par la simplicité, style du Théologien.

LE THEOLOGIEN ALBERIONE - SON CARACTÈRE

Tous les Pauliniens et toutes les Pauliniennes savent qui est le Théologien Alberione. Mais de nombreuses personnes le connaissent aussi pour avoir entendu parler de lui, pour avoir lu ses écrits ou à travers ses œuvres. C'était un homme exceptionnel qui a bouleversé le monde en raison de l'œuvre que la Providence lui avait demandé d'accomplir.

Il est né à Saint Laurent de Fossano (Cuneo) le 4 avril 1884. Il est baptisé le même jour en raison de sa constitution très frêle. On lui donne le nom de Jacques.

Il appartenait à une famille paysanne qui gagnait sa vie au travail des champs comme métayer. Tout comme ses frères, il a reçu une excellente formation religieuse et dès sa tendre enfance, il a manifesté une tendance toute particulière vers les choses sacrées. À l'enseignante de l'école élémentaire qui demandait à ses élèves ce qu'ils feraient plus tard, il a répondu : je serai prêtre. Il n'a pas trahi son affirmation. Aidé par un membre de la parenté à cause de la pauvreté de sa famille, il est entré au Séminaire de Bra, mais par la suite, à cause d'une crise due à la lecture excessive de livres, pas mauvais, mais qui portaient à l'esprit missionnaire, il fut congédié. Avec l'aide de son curé, il est passé du Séminaire de Bra à celui d'Alba où avec l'aide du Vénérable François Chiesa, il est devenu prêtre, directeur spirituel, formateur de prêtre et fondateur d'Instituts religieux aux buts différents. Sa vie a brûlé comme un feu ardent pour le bien des âmes et elle a été couronnée de perles précieuses.

Le Théologien Alberione n'était ni un esprit ni un ange. Il était un homme et en tant que tel, il avait une nature humaine. Sa vie demandait ce que toutes les vies demandent, la surveillance, la lutte contre le démon. D'apparence un peu timide, il avait cependant un caractère brusque et il ne fallait pas contrarier ses décisions. Il ne reculait pas. Il avait une santé fragile mais il prêchait et pratiquait la mortification. Il aimait le café, mais il le prenait seulement quand il ne pouvait pas faire autrement, et souvent comme nourriture. Il aimait beaucoup les tomates. Un jour devant moi, alors que nous étions dans son bureau et parlions de l'apostolat, un confrère est entré, il lui dit : aujourd'hui, je ne me sentais pas bien, je n'ai pas mangé, s'il te plaît, va dans le jardin, cueille une tomate, ça me fera du bien. Ce n'était pas de la gourmandise mais une nécessité pour soutenir son corps minuscule.

On m'a souvent demandé : vous qui avez vécu avec le Théologien, que dites-vous de son comportement et de son caractère? Je ne réponds pas à cette question pour l'accuser ou pour le dénigrer mais seulement parce que je le connais. Il était un homme humble, un peu timide quand il présentait ses idées, mais de fer pour les défendre quand elles étaient exposées et claires. Son caractère n'était pas toujours mielleux; il était plutôt de fer. À un jeune qui s'était présenté à lui pour lui dire qu'il voulait s'en aller, il répondit en lui donnant une gifle et en lui ordonnant d'écrire à sa sœur qu'elle vienne se faire religieuse. L'un et l'autre sont des membres agissants dans la Famille paulinienne.

Ne donnons pas un sens purement négatif à son caractère. Car le caractère se manifeste de bien des manières, comme les facettes d'un dé d'or plongé dans le miel.

Le Théologien n'était pas une statue, il était un homme et en tant que tel, il avait ses qualités. S'il manifestait parfois de la dureté, nous ne pouvons pas dire pour autant qu'il n'avait pas de fermeté dans la réalisation de sa volonté qu'il mûrissait à la lumière du Tabernacle. Il parlait peu, il avait une apparence timide mais si on entravait son idéal, il devenait brusque et abandonnait la compagnie. Pour lui, le silence était toujours une victoire.

Son esprit était rempli de Dieu et il voulait le faire régner en tout et en tous. Il était rempli de Dieu et il voulait l'imposer à tous.

Les saints ne sont pas des hommes sans défauts mais des hommes qui sont morts en combattant pour devenir des hommes de Dieu.

Même s'il n'était pas impoli, il n'a pas négligé les rappels et les reproches mérités à un confrère qui a eu le courage de s'opposer publiquement à l'une de ses dispositions, avec des paroles non convenables; il a du se disposer à réparer son tort et à se faire le mérite d'obéir.

Dans une méditation pour rappeler à l'obéissance quelques grands qui avaient exprimé des réticences inhérentes à quelques unes de ses dispositions, il dit : plutôt que de reculer devant mes dispositions, j'ai le courage de marcher sur vos cadavres. Une phrase qui suscita beaucoup de réflexion et de fermeté.

Au cours des dernières années de sa vie, il était plus paternel et il traitait toutes les personnes avec une grande sérénité, même s'il disait franchement à chacun ce qu'il méritait.

Dans ses exigences et sa rigueur, il n'était pas méchant. S'il se rendait compte d'avoir eu un comportement sévère, il était capable de s'excuser tout en gardant son comportement ferme pour le bien de l'individu.

Ses jugements et ses affirmations plus fortes et inflexibles portaient sur la prière et l'apostolat. Aucun motif ne pouvait excuser la fidélité à ces engagements. Je l'ai vu deux fois, mieux, j'ai assisté à des comportements de volonté ferme. Il ne cédait pas et s'il ne gagnait pas avec les mots, il était toujours victorieux avec son silence. Son comportement était toujours une victoire. Ce fut la racine du succès de ses œuvres.

Nous sommes tous curieux de savoir s'il avait des défauts. Même les plantes du jardin, que le jardinier cultive avec beaucoup de sollicitude, portent parfois des branches, des feuilles, des bourgeons ou des fruits désagréables. Le jardinier a la tâche de les émonder pour que les plantes soient agréables et qu'elles produisent des fruits. Les saints sont des personnes qui sont mortes au champ de bataille en cultivant le jardin de Dieu. Avec cela, je ne veux pas dire que son caractère impulsif était coupable. Je peux seulement dire que s'il avait un caractère impulsif pour la pratique du bien; trop facilement, il se laissait convaincre par des personnes bavardes, et parfois calomniatrices pour se défendre au détriment des autres. Tout lui servait à imposer son idéal. J'ai été réprimandé deux fois, injustement je crois, à la suite d'accusations de la part d'un confrère qui, pour se justifier, se servait d'une accusation injuste contre l'autre.

Il n'est pas facile d'admettre qu'il agissait parfois impulsivement sans d'abord se rende compte s'il y a avait de la responsabilité ou non. Il agissait pour le bien mais sans pondération.

Nous avons tous des obligations, savoir respecter celles des autres et se rende compte de leur responsabilité fait partie de la charité.

Que puis-je dire du comportement du Théologien? Il ne savait pas toujours comprendre et excuser justement. Un confrère, qui avait passé la nuit au travail, reçut le matin, comme cela arrivait à chaque semaine, la visite du Théologien qui, après s'être rendu compte du travail, nous avait recommandé d'être ponctuels, à 5 h 30 pour la méditation. Le confrère, qui avait sommeil, s'endormit durant la méditation. Non seulement, il l'a appelé mais il lui a commandé de s'agenouiller au milieu de la chapelle. Durant la journée, je suis allé protester de son innocence. La réponse a été : si on aime la méditation, on ne dort pas. Il ne manquait pas de respect mais il ne revenait nullement sur ses idées. Devant ses raisonnements, il était inutile de vouloir présenter des objections surtout lorsque la conversation était orientée vers l'une de ses fins. Personne ne pouvait le contredire, son idée devait toujours l'emporter. En se confiant à moi, les larmes aux yeux, le Bienheureux Giaccardo m'a dit une fois : je ne comprends pas pourquoi le Théologien me traite comme ça. Il était le supérieur de la maison et le Fondateur était parti sans lui dire un mot et sans le saluer.

En pensant à la conduite du Théologien, nous sommes beaucoup plus édifiés par sa vertu que par les impolitesses insignifiantes de sa vie personnelle. Même ceux qui veulent l'examiner au télescope, s'ils ont du bon sens, doivent reconnaître que les petites pailles n'ont pas la valeur péjorative qu'on leur donne. Regarde d'abord la poutre qui est dans ton œil, ensuite tu regarderas la paille qu'il y a dans l'œil de ton frère.

Si nous avons parlé des petits défauts de notre bien-aimé Père, ce n'est pas pour le dénigrer mais pour savoir que nous pouvons devenir braves même avec des défauts.

Disons également que faire l'éloge de quelqu'un après l'avoir fait mourir, ce n'est pas de la justice. Mais, mettre ses prérogatives en évidence, c'est de la bonté.

Si nous voulons parler encore de sa conduite, nous devons ajouter que l'exigence qu'il avait pour la conduite des autres ne permettait aucune impolitesse. Il ne voulait pas de paroles impolies. Si quelqu'un n'avait pas un bon langage, il le reprenait et il ne tolérait pas de plaisanteries désagréables.

Avec une attitude autoritaire, il surveillait les récréations, surtout dans les premiers temps alors qu'il pouvait venir avec nous. Sa seule présence était un rappel au sérieux et à la fidélité du comportement.

Le Théologien Alberione - et l'Eucharistie

Pour comprendre l'attitude du Théologien Alberione envers l'Eucharistie, nous devons d'abord essayer de comprendre celle de Jésus envers l'Église naissante, au terme de sa vie terrestre.

L'heure était venue pour lui de passer de ce monde au Père. Que pouvait-il laisser pour la vitalité de ce qu'il avait semé; de plus beau et de plus précieux que sa vie même en instituant l'Eucharistie. Se donner soi-même, c'est donner la vie. " Je suis le pain de vie; celui qui vient à moi n'aura pas faim; celui qui croit en moi jamais n'aura soif " (Jn 6,35). Nous avons toujours besoin de nous nourrir et de nous désaltérer. Jésus est toujours à notre disposition pour satisfaire tous nos besoins.

Homme d'Évangile et de foi pure, le Théologien ne pouvait pas ne pas valoriser ce don inestimable de Jésus. Il en a fait l'aliment spirituel de toute son œuvre. Dès le début de la fondation, son attention a porté sur la demeure de Jésus. Je ne peux pas parler de ce qui se passait avant 1919 car je n'étais pas là, mais je n'ai pas oublié ce qu'il a réalisé dans les maisons de la future Société Saint-Paul à partir de cette année-là.

La chapelle était une salle, pas grande mais convenable, avec une grande fenêtre donnant sur la Place Saint-Joseph. Il y avait un petit autel appuyé au mur; sur le mur d'en face, une cheminée en marbre sur laquelle on avait vite déposé une statuette de Marie Immaculée. On ne parlait pas encore de Marie, Reine des Apôtres. Il y avait deux bancs et deux prie-Dieu. Le plancher et la prédelle de l'autel servaient très bien à s'agenouiller; au besoin, quelques chaises bien rustiques. La décoration était simple mais accueillante. Nous n'avons pas besoin de dire que la chapelle était la demeure du Maître de maison. C'est là qu'avait lieu la première rencontre du matin avec les prières, la méditation et la messe quand le Théologien ou le Maître Giaccardo étaient libres. S'ils n'étaient pas disponibles, on allait à la Cathédrale. Les exigences du Théologien étaient très rigoureuses concernant la fréquentation de la chapelle. En plus des pratiques du matin, on ne sortait pas de la maison sans saluer le Maître de maison, après les repas, du réfectoire à la chapelle, c'était une seule chose; au retour du travail, la salutation à Jésus était obligatoire. Puis venait le moment de l'Adoration qui, du simple Rosaire se perfectionna avec les lectures et l'examen de conscience. Après les prières, sauf de rares cas, il y avait la Bénédiction du Saint-Sacrement donnée simplement avec le ciboire.

Ici, je fais remarquer que le Théologien était très scrupuleux pour les règles religieuses. Il ne donnait pas la bénédiction avec l'ostensoir parce qu'il n'y avait pas de petits trônes. Un jour, en parlant avec Dame Cavazza, grande admiratrice et bienfaitrice de la maison, il lui dit que les jeunes voudraient avoir la bénédiction avec l'ostensoir mais que nous n'avions ni petit trône ni ostensoir. La Dame lui dit qu'elle avait celui de la chapelle démolie et l'assura que le samedi, jour du marché, en venant avec la calèche, elle les contenterait mais à condition qu'ils prient pour moi. Tous les dimanches, nous étions fiers de l'exposition du Saint-Sacrement et de la bénédiction solennelle. Le Théologien était fier et nous étions contents…

Le Supérieur n'avait pas de local à sa disposition; il recevait les jeunes dans la chapelle, le soir, après les prières, pour faire ses exhortations. La chapelle était devenue le siège de la formation, le lieu le plus fréquenté et le plus respecté. C'est là que nous commencions et terminions la journée.

Mais le Théologien avait trouvé un autre endroit pour la chapelle qu'il fit terminer convenablement. Il y mit tout son cœur. Nous avons eu la joie d'avoir des bancs. Même si l'autel était le même qu'avant, il était bien propre. Il voulait qu'il y ait des fleurs. C'est dans cette chapelle et sur cet autel que nous avons été surpris, en entrant un matin pour les pratiques de piété, de voir sur le mur à côté du tabernacle deux inscriptions : Ne craignez pas, je suis avec nous et D'ici, je veux éclairer. La troisième inscription fut mise quelques mois plus tard : Ayez le regret des péchés qui fut la conclusion de plusieurs méditations sur les deux premières. Je pense ne pas me tromper en disant que ce fut le commencement de la dévotion à Jésus Maître, dévotion que nous ne pouvons pas séparer de la dévotion eucharistique.

Cette première chapelle céda la place à plusieurs autres qui occupaient l'endroit le plus convenable aux nécessités de la maison, mais sans perdre la valeur de leur présence.

Puis vint le moment où éclata le feu qui couvait dans le cœur du Fondateur. Le jardin maintes fois traversé pour aller à la petite chapelle, et qui servait partiellement pour nos récréations, réalise le rêve du Fondateur. Un jour, nous voyons l'ingénieur Barberis et quelques ouvriers qui mesurent et plantent des piquets. Même si nous étions jeunes, nous avons compris ce qui se passait, c'était le plan des fondations de l'église Saint-Paul tant désirée. Chaque récréation avait comme but de satisfaire notre curiosité, jour après jour, nous constations du développement.

À un moment donné, les fondations étaient mises, il y eut un arrêt des travaux; l'entrepreneur Barberis dût céder la construction à une autre entreprise et la construction fut rapide et nous donna la satisfaction de voir la finition de la grande coupole. En ces quelques années, les détails sont nombreux et ils font partie des souvenirs de ceux qui les ont vécus.

Si l'église Saint-Paul fut une grande satisfaction pour le Théologien, nous rappelons ici que sa satisfaction fut plus complète avec la construction de la Basilique dédiée à Marie, Reine des Apôtres, à Rome. Son désir était que, dans chaque maison de la Famille paulinienne, il y ait une place d'honneur pour Jésus Maître. Les centaines de chapelles construites dans le monde sont une flamme de son cœur.

Ne nous contentons pas de connaître l'œuvre matérielle des constructions des églises et des chapelles comme une œuvre matérielle. Elles avaient un but, la demeure de Jésus Maître, lumière et nourriture des âmes. Jésus est là à notre disposition mais nous devons aller à Lui. Mais comment la dévotion eucharistique s'est-elle développée?

Je crois que notre pensée est toute renfermée dans l'exhortation du Théologien lors d'une méditation de 1960. L'adoration est une conversation de l'âme avec Dieu à l'exemple de celle de Marie avec Jésus. Il ne faut pas que le temps manque pour l'ado ration; il faut la faire à temps. Il faut prévoir l'heure de l'adoration. Quiconque la néglige, se néglige lui-même. L'adoration n'est pas seulement un conseil, c'est une obligation de l'Église qui nous demande la lecture, l'examen de conscience et la récitation du Rosaire.

Sans vouloir contredire l'affirmation de spécialistes et sans nier ce que certains affirment, j'exprime ma pensée concernant la conduite du Théologien sur la prière.

Pas de révélations ou d'apparitions! Tout a mûri avec le temps, naturellement, comme un fruit mûrit sur la plante. S'il y a quelque chose de grand et d'admirable, c'est la fidélité du Théologien aux inspirations qui lui venaient au cours de ses longues prières méditatives.

Lorsque je suis entré dans la Congrégation, sans me vanter, j'étais toujours un des premiers à terminer ma toilette du matin et à descendre à la chapelle. Le Supérieur était déjà là et on attendait l'arrivée des autres jusqu'au moment où, la messe étant commencée, l'Assistant nous faisait réciter les prières. Un matin, le Théologien me dit : puisque tu arrives toujours le premier du groupe, en attendant les autres, quand vous êtes deux ou trois, commencez à dire quelques prières. Je lui ai demandé lesquelles. Nous n'avions pas encore de livre de prières. Il me dit : que la première soit la prière de saint Bernard - Souvenez-vous ô très pieuse Vierge Marie, puis la prière à Saint Joseph, ensuite, celle que tu veux. Nous récitions les prières durant la messe. Dans une méditation, il nous dit : désormais, vous réciterez les prières avant la messe, ensuite, qu'on suive bien la liturgie de la messe.

Depuis que nous avons habité, rue Vernazza, même si l'Adoration du Saint-Sacrement s'est perfectionnée, tout en restant une dévotion très simple, les choses étaient normales. Elles se développèrent lorsque nous avons habité l'actuelle résidence Saint- Paul. La chapelle changea de place plusieurs fois en raison de l'augmentation des vocations mais l'exigence du Théologien pour le perfectionnement de la dévotion continuait. Un peu à la fois, il y eut les prières des dévotions et à notre grande joie, le livret de prières de la Société Saint-Paul, première édition. Je conserve encore ce livret. Les éditions s'amplifièrent et le théologien ajoutait et retouchait les formules. Avec le perfectionnement du livret, on établit également les pratiques de piété en donnant à chaque jour sa dévotion particulière. Comme conséquence, la pratique des dévotions de la première semaine du mois a été établie. À longueur d'année, un prêtre savait qu'il devait faire la méditation sur ces dévotions-là. Avec cette pratique de piété, on perfectionna la dévotion à Jésus Maître à qui le premier dimanche du mois était consacré, comme il l'est encore aujourd'hui. Il faut tenir compte que longtemps, non seulement la solennité de Jésus Maître comportait la célébration des Vêpres avec l'exposition du Saint-Sacrement, mais l'exposition était faite après la messe solennelle. On avait deux messes, celle de la communion et l'autre plus solennelle, avec tout le décorum des séminaristes en surplis, diacre et sous-diacre. Après cette messe, il y avait l'exposition du Saint-Sacrement. Les jeunes et les séminaristes assuraient l'adoration toute la journée. Elle finissait avec les Vêpres et la bénédiction du Saint-Sacrement.

De tous les travaux et de toutes les préoccupations du Théologien, ce qu'il désirait davantage était évidemment l'adoration comme acte de révérence envers le Seigneur.

Lorsque le nombre de vocations augmenta, pour la nécessité de leur formation, on forma des groupes : théologiens, philosophes, les majeurs et les mineurs. Chaque groupe avait sa responsabilité ainsi que les devoirs convenables. L'adoration aussi était un devoir. Jésus restait exposé et adoré par la communauté toute la journée qui se terminait avec la Bénédiction, avant souper. C'était certainement un début de ce que le Théologien conservait dans son cœur - avoir un groupe de personnes vouées à l'adoration. Cela s'est réalisé le 10 février 1924 avec le commencement de la congrégation des Sœurs Disciples de Jésus Maître qui ont le devoir de l'adoration.

En raison de ce devoir d'adoration, LES SŒURS DISCIPLES DE JÉSUS MAÎTRE sont pour le Théologien la joie la plus grande. Par leur nombre, elles se dédieront à plusieurs secteurs d'apostolat mais tout sera et devra être le fruit du premier but pour lequel elles ont été fondées - l'adoration. Tous les Instituts de la Famille paulinienne, même an ayant le devoir de l'adoration, sont pris par des engagements d'un autre ordre, mais les Sœurs Disciples ont l'adoration au centre de leur occupation. Le reste vient en second lieu. Ce sont elles qui, par l'adoration, attirent les grâces nécessaires à la Famille paulinienne. Elles sont l'anneau de conjonction entre Dieu et la vitalité des œuvres accomplies. Le Théologien nous a dit plusieurs fois que si elles n'ont pas été les premières dans l'ordre de fondation, elles ont été les premières à avoir une place dans son désir. Si nous ne les avions pas, notre Congrégation serait incomplète.

De par leur mission et leur formation, nous pouvons et nous devrons dire qu'elles sont des âmes eucharistiques. La définition est simple, mais en comprendre le sens authentique est plus compliqué. Être des âmes eucharistiques signifie être des âmes qui vivent d'amour, comme l'Eucharistie est le sacrement du don - prenez et mangez !. Des personnes qui ne se dispensent pas du sacrifice. Elles prient pour les autres et elles se donnent pour les autres. Une Sœur Disciple de Jésus Maître ne peut pas être égoïste. Don de soi généreux, bénéfique, continuel pour la gloire de Dieu ,et au service du Corps mystique du Christ.

Le Théologien et la sainteté

Alberione était un religieux et pas seulement de nom ou d'appartenance à une communauté. Il était un religieux dans le vrai sens du mot. Pour lui, les vœux religieux étaient le chemin sur lequel il avançait.

Supérieur général à vie, avec de nombreuses obligations de voyage, beaucoup de responsabilité de travail et de relations, il n'a jamais eu de personnel à sa disposition et pas la moindre commodité. Tout lui suffisait. Son bureau était privé de tout. Quand le pape Paul VI lui a rendu visite avant sa mort, il a vu son bureau et il a été surpris de la pauvreté du lieu. Un cadre de la Madone, une petite statue de saint Paul, un crucifix et un prie-Dieu, c'était tout le mobilier. Tout devait refléter l'esprit religieux. Il n'aurait absolument pas toléré le fameux, marque qui de religieux n'est même pas digne de ce nom. Pour parler de la pauvreté du Fondateur, il faudrait un volume; nous nous contentons de dire que c'était son signe distinctif de religieux et la gloire de sa vie, non seulement sur les lèvres mais dans sa conduite pratique.

Son obéissance fut éprouvée dans l'accomplissement de tout ce que Dieu voulait. Il disait si le Seigneur le veut, nous ne pouvons pas refuser. C'était une obéissance aveugle et généreuse, confiante en l'assistance de la Providence. Que l'obéissance fait des miracles, nous en avons la preuve en tout ce qu'il a fait. Il ne comptait pas sur les ressources humaines mais seulement sur la Parole de Dieu. Si Dieu le veut, nous ne pouvons pas hésiter. C'est sur cette foi qu'il a édifié ce que nous connaissons. Il n'était pas aveugle et insouciant; il pouvait aussi faire une remarque mais une fois la volonté de Dieu connue, il ne reculait pas. Dans une de ses méditations, il a dit une phrase que je n'ai jamais oubliée. Plutôt que de reculer devant ce que le Seigneur m'a demandé de faire, je suis disposé à marcher sur vos cadavres. Voilà son obéissance !

Comment pouvons-nous douter de la conduite d'une âme si disposée à faire la volonté de Dieu? Conduite en tant que sacrifice vivant par la pratique d'une mortification continue, par l'offrande de tout son être pour plaire au Seigneur. Il était humain, sa nature lui demandait certainement de la surveillance et du renoncement en tout, mais avec la maîtrise de soi, la vertu l'emportait toujours. La mortification était son arme de défense. Il avait aussi l'arme qu'il révélait à ceux qui avaient recours à ses conseils. C'était la dévotion à Marie. Non seulement, il inculquait cette dévotion mais il la pratiquait en donnant l'exemple. Que d'exhortations, que de méditations sur la pratique de la dévotion à Marie, pour être protégé du péché et persévérer. On a beaucoup dit et écrit sur ce sujet traité par don Alberione, mais ceux qui ont eu la chance d'être formés par lui, portent dans leur cœur des secrets qui ne peuvent être décrits. Il possédait ce qu'il enseignait et il en vivait les fruits. Marie, sa mère, l'a protégé, défendu et sûrement sauvé.

Même si nous n'avons pas parlé beaucoup de ce que don Alberione a accompli, nous en avons parlé assez pour réfléchir et connaître ce qui peut nous être nécessaire. Un deuxième aspect doit être connu : comment a-t-il vivifié son œuvre? Saint Paul dit : J'ai planté, Apollon a arrosé, mais c'est le Seigneur qui fait croître.
La vie de toutes les œuvres que don Alberione a accomplies vient du Seigneur. Qu'il ait construit des maisons, suscité des vocations, créé des typographies, fait construire des centres, et toutes les autres œuvres, si merveilleuses soient-elles, il n'aurait rien fait si toutes ces choses eussent été simplement une apparence, tout comme sont inutiles de nombreux travaux au détriment de la vie de prière; que comptent-ils pour le salut des âmes? Il faut parfois se demander si le Seigneur n'était pas plus satisfait au début, lorsque nous n'avions rien et que nous nous contentions, après une journée remplie de sacrifices, d'un souper fait de quatre châtaignes, alors qu'aujourd'hui, nous avons de copieux repas et des dépenses de riches. Nous ne voyons que l'apparence, nous évaluons les choses à partir de l'argent, mais comment évaluons-nous ce qui vient du Seigneur?

Le Théologien Alberione voulait la vitalité de ses œuvres et il comptait sur la vitalité qui vient du Seigneur. Il voulait la grâce et il disait clairement qu'elle nous vient seulement du Seigneur; qu'on le prie et qu'on ne l'offense pas. Le péché est le grand obstacle ànos œuvres, il faut donc être vigilant. À côté du tabernacle, il a fait écrire : Ayez le regret des péchés, pour que l'aide du Seigneur ne soit pas empêché. Un écrit qui,par convenance, fut ensuite placé à côté de deux autres. D'ici, je veux éclairer - Ne craignez pas ! Que de fois il nous a fait pratiquer la confession pour recevoir des grâces qu'il n'obtenait pas. L'invocation : de tout péché, délivre-nous, Seigneur, a toujours tenu une place de premier rang dans l'enseignement de don Alberione. S'il n'y a pas de péché, Dieu est avec nous, disait-il, et si Dieu est avec nous, qui sera contre nous?


Le deuxième secret de la vitalité des œuvres du Théologien Alberione est dans le tabernacle. Ne craignez pas. Je suis avec vous n'est pas simplement une expression; c'est une réalité vitale sur laquelle le Théologien a basé toute sa vie, donnant ainsi de la vitalité à toutes ses œuvres. Dans le tabernacle, Jésus n'est pas simplement présent comme symbole, il est réellement présent et agissant.
Comme notre foi est faible comparée à celle du Théologien. Nous disons que nous croyons, nous croyons avoir la foi mais nous ne le prouvons pas avec nos œuvres. La conduite du Fondateur était toute autre. Lorsqu'il m'a envoyé à Paris pour que j'obtienne la permission d'ouvrir une maison pour la Société Saint-Paul, je lui ai demandé de me donner un document pour prouver que j'était religieux et que j'appartenais à une Congrégation, il a refusé en disant que si le Seigneur veut une maison, il enlève aussi les difficultés. Sans une signature, j'ai obtenu le consentement de l'autorité civile et religieuse. Nous pouvons dire ironiquement que le Théologien commandait Jésus; il le commandait mais il était scrupuleusement soumis à la volonté de Dieu en tout.


Pour obtenir et faire ce qu'il a fait, il s'est également engagé à faire ce qui est indispensable, non seulement donner à Jésus un endroit convenable en chaque maison, mais obliger les membres à être fidèles à la prière. Dès le début de la fondation, la prière a toujours eu une place de responsabilité; qu'on ne laisse jamais manquer le temps pour la prière, la prière avant tout. Si le travail est abondant, qu'on fasse un peu plus de prière. Non seulement, il l'inculquait mais il la pratiquait d'abord; non seulement il priait mais il était un homme de prière.

À mesure que la Congrégation se perfectionnait, la prière aussi prenait une forme convenable. De la simple récitation du Rosaire, on passa à l'Adoration avec l'Exposition du Saint-Sacrement. Et peu à peu, il réalisa ce qu'il avait à cœur depuis plusieurs années, la fondation des Soeurs Disciples du divin Maître avec le mandat de l'Adoration, mission non pas réservée à elles seules mais qui devint une obligation pour tous.

Voilà comment le Fondateur valorisait ce contact avec Dieu. Dans une méditation de 1957, il disait : L'action n'a pas de valeur si elle n'est pas vivifiée par la piété. La même année, au terme des Exercices spirituels, il disait : Nous devons toujours nous rappeler que la prière est nécessaire et que cette nécessité doit devenir une passion. Il ne suffit pas de compter sur Dieu, il faut valoriser notre relation avec Dieu par la prière assidue. Le secret de réussite doit être le pacte avec Dieu. Faisons notre part, Dieu fera la sienne. Dans une méditation d'avril 1960, au sujet de l'Adoration, il disait avec des paroles fortes : L'Adoration est une conversation de l'âme (individu) avec le Seigneur sur le modèle de la conversation de Marie avec Jésus dans la maison de Lazare. Il ne faut pas que le temps manque pour l'Adoration; il faut la faire en son temps. Il faut prévoir l'heure de l'Adoration. Qui néglige l'Adoration, se néglige.

Ce n'est pas seulement une pratique conseillée mais une obligation, un devoir. Toujours en 1960, dans une autre méditation, il dit : Le religieux a le droit de pouvoir faire ses exercices de piété et aucune autorité ne peut l'en empêcher. Le travail n'est pas un apostolat s'il n'est pas vivifié par la prière. Puis il poursuit : Nous ne sommes pas des religieux si nous ne vivons pas du Christ et avec le Christ. Contentons-nous d'une ultime exhortation : La prière agit activement sur toutes nos facultés, elle est lumière pour notre intelligence, chaleur pour notre cœur, force pour notre volonté.
Voilà une partie des secrets de la réussite des œuvres que le Théologien Alberione a accomplies. Souvenons-nous toujours que le péché est le plus grand empêchement à l'œuvre du Seigneur; la prière est le moyen efficace pour tout obtenir de Dieu.

Une volonté ferme

Une des vertus qui a marqué la vie de notre Fondateur est certainement sa volonté ferme.

Dans une joyeuse conversation, en plaisantant, nous lui avons dit : Tout ce que vous voulez, il faut le faire; nous voyons bien que vous venez du Piémont. Les piémontais ont la tête dure. Souriant, il répondit : heureusement que j'ai la tête dure parce qu'autrement, nous ne ferions rien car votre tête n'est pas toujours disponible.

Laissons de côté les plaisanteries et en autant que possible, essayons de comprendre et de dire quelque chose de la ferme volonté du Fondateur.

Les obstacles ont été nombreux dans son œuvre de Fondateur. Mais avec sa volonté ferme toujours fortifiée par la sève eucharistique et soutenue par ses prières et celles de ses collaborateurs, il les a toujours vaincus.

Lorsqu'il décida de fonder la première Famille paulinienne qui devint la Société Saint-Paul, il était directeur spirituel au Séminaire, professeur d'histoire, estimé par les prêtres issus de sa formation. Il jouissait d'une haute estime dans le diocèse. Dans l'esprit de la population, Alberione occupait la première place après l'Évêque. Malgré cette place d'honneur, tous n'admiraient pas ses œuvres et ils n'hésitaient pas à l'accuser d'ambitieux, d'irrespectueux envers la volonté de l'Évêque quand il s'agissait de réaliser son idée. Tout passait dans sa conduite comme un souffle d'air frais en pleine chaleur.

Il poursuivait dans la sérénité même si l'Évêque, compréhensif pour l'œuvre, ne lui faisait pas d'éloge publiquement, pour ne pas contredire l'attitude du Chapitre et le représentant du clergé qui, dans son scepticisme, ne digérait pas son œuvre. Ce n'était pas l'estime des humains qui le soutenait ni le scepticisme de l'autorité civile qui le conditionnait; il respectait les décisions qu'elle prenait, ensuite, il lui suffisait que Dieu soit content. Dans cette disposition, il a avancé avec intrépidité contre la volonté de tous, à l'exception du Chanoine Chiesa et, comme nous l'avons dit, du consentement mutuel de l'Évêque, Mgr Giuseppe Re, ainsi que de quelques autorités civiles telles que le Docteur Vico, l'honorable ministre Bubbio, ses amis et conseillers intimes.

Le désir de son cœur était de faire connaître la parole de Jésus à tous les hommes. On pouvait trouver assez facilement l'Évangile. L'œuvre de saint Jérôme en avait la charge, mais dans les familles, on ne le trouvait que rarement. Une de ses premières préoccupations fut d'ouvrir la porte à la diffusion de l'Évangile. Il le voulait, le désirait mais la capacité et les moyens manquaient. Mais il fallait y arriver, sa foi n'a jamais faibli. Nous avons commencé avec peu de choses et sa foi alimentait le feu de l'amour de Dieu. Pour la joie de tous, on a commncé l'œuvre par excellence, l'impression des lettres de saint Paul. En les examinant, il m'a dit : en Amérique, ils ont un procédé d'impression qui, avec la même composition, fait des éditions en différents formats. Si nous pouvions, nous aussi, reproduire l'Évangile pour tous les âges ! C'était le procédé de l'offset pas encore utilisé en Italie.

Son désir et sa volonté de diffuser la parole de Dieu se sont manifestés d'une manière spéciale quand il a lancé le travail pour la publication de la parole de Dieu en quatre langues. À l'exception de l'italien, personne ne connaissait les autres langues; les corrections se faisaient en lisant syllabe par syllabe. Il le voulait et même si le résultat n'a pas été une merveille, il en fa été satisfait.
Et, il n'y avait pas seulement l'Écriture Sainte. Nous ne pouvons pas compter les œuvres qu'il a lancées. Celle qui a laissé son empreinte est certainement l'impression des bulletins paroissiaux, puis "La Famille chrétienne" et le "Le petit Journal". Plusieurs ignorent comment cela a commencé, mais dans une méditation, il nous a dit : Interprétez ce que je vous dis comme vous le voulez, cela m'est égal ! Cette nuit, je ne sais si c'est en rêve ou en réalité, mais le divin Maître m'a fait un reproche inhérent à notre hésitation à prendre la décision de prendre conscience et de commencer à imprimer quelque chose pour les jeunes. Aujourd'hui, qu'on commence à travailler pour imprimer un petit journal pour les jeunes, et là, sur place, et toi, dit-il à un prêtre, tu en es responsable.

Avec sa mission spéciale, il avait la vocation toute particulière, la mission de la formation. Travail non indifférent et très délicat qu'il a fait avec la plus grande fidélité. Il suivait ses jeunes et il était toujours à leur disposition pour un conseil ou pour un encouragement s'ils en avaient besoin.

Chaque matin, il faisait ou faisait faire la méditation. Personnellement, il en faisait même trois à des groupes différents. Il était toujours disponible pour quiconque avait besoin du sacrement de la purification; il n'hésitait pas à encourager ceux qui avaient des doutes. La formation était le travail qu'il avait le plus à cœur. À un groupe qui désirait aller entendre une méditation à la cathédrale et qui demandait son autorisation, il répondit : vous n'avez pas besoin d'aller chercher la formation ailleurs, je vous la donne moi-même, votre devoir est de vous y conformer.

De son vivant, la formation a toujours été sa principale préoccupation. Il était convaincu qu'une bonne plante produira de bons fruits. Lorsque les fondations se sont multipliées, ses écrits et ses visites ont toujours porté sur le thème des vocations et de leur formation. Il disait : des vocations mais des vocations bien formées !

N'allez pas croire qu'il s'est contenté de dire et d'exhorter ! Il était la forme à laquelle tous devaient s'identifier. Sa conduite a laissé une empreinte qui se manifeste par le rappel continu à la nécessité de retourner aux sources. Malheureusement, on parle beaucoup et on étudie avec le désir de connaître mais pas toujours avec la volonté sincère d'assimiler. L'esprit du Fondateur qui est la règle de la conduite est connu mais pas imité.

Nous découvrons le Fondateur non seulement par ce qu'il a dit ou écrit mais par ce qu'il a pratiqué. Les paroles comptent mais elles passent rapidement tandis que la conduite donne la preuve de ce qu'une personne est. Connaître le Fondateur non seulement par ce qu'on voit avec les yeux, mais connaître l'esprit qui l'a guidé, la volonté qui l'a soutenu dans la réalisation de l'œuvre bien connue, et incompréhensible humainement parlant.

Cette pensée suscite en nous le désir de connaître la personnalité religieuse du Fondateur. Le connaître non pas par curiosité mais pour avoir dans sa personnalité un modèle à imiter.

La première vertu qui ressort de la conduite du Fondateur, c'est la pauvreté. La pauvreté est la vertu qui, plus que toutes les autres, fait de l'homme, un homme de Dieu. Si le Fondateur aimait avoir de l'argent qu'il investissait même avant de le posséder, il l'aimait et le désirait pour réaliser les œuvres qu'il avait à cœur, qui n'étaient pas pour sa gloire mais pour combattre l'ignorance religieuse en faisant connaître Dieu à travers les moyens rapides de la communication. Il ne dépensait pas un sou pour lui. Dans ses longs voyages en automobile, il exhortait le chauffeur à s'acheter quelque choses pour se restaurer mais lui, il n'avait jamais besoin d'un peu d'eau. Ne parlons pas des vêtements, tout lui allait bien et tout lui suffisait. Dans l'une de ses premières visites faites à Rome, m'a-t-il dit, un Cardinal m'a exhorté à rendre visite au Saint Père, mais j'ai refusé l'invitation parce que j'avais un habit rapiécé et j'ai pensé que c'était un manque de respect envers le Vicaire du Christ.

Je l'ai vu arriver à Paris, en transit pour l'Amérique, avec un montant des lunettes attaché avec de la ficelle; une autre fois, avec des savates, avec l'excuse d'avoir mal aux pieds, savates qui pouvaient très bien être remplacées par d'autres plus convenables.

À suivre